"Ys", ça commence par une flèche dans l'œil d'un soldat. Nous sommes en pleine bataille. Le roi Glardon livre combat contre Malgwenn, la reine des terres du Nord. Il la défie en combat singulier, elle accepte et ils se battent durant une journée entière. Elle tombe amoureuse de lui et tous deux s'échappent sur une barque, loin de leurs responsabilités. Ils vont s'aimer sur la mer et elle va enfanter une fille, Dahud. Malgwenn meurt en couches et Glardon rejoint son royaume, l'enfant dans ses bras et la mort dans l'âme.
Dahud va grandir aux côtés d'un père dépressif qui ne retrouvera goût à la vie que grâce à une nouvelle religion: le christianisme. Il fait construire une cathédrale dans sa capitale, Quimper, et convertit son peuple sous la coupe de Saint Corentin. Finies la magie, les sauteries celtiques et la liberté. Place au christianisme, à l'austérité et à la crainte du péché.
La légende d'Ys
Dahud, devenue une adolescente belle et revêche, ne veut pas de ce changement et s'en révolte. Pour la calmer, son père lui donne la ville d'Ys qu'elle a tôt fait de transformer en capitale du plaisir, des énergies anciennes et des femmes. Elle règne sur Ys en utilisant la magie des fées, des druides et de la nature.
Dans ce livre, Annaïg Plassard raconte une histoire qui a bercé son enfance bretonne. La légende de la ville engloutie d'Ys est un des récits bretons les plus populaires. C'est une fable chrétienne sur les dangers d'une vie faite de péchés.
Annaïg prend cette parabole culpabilisante et la retourne sur elle-même pour en faire une histoire féministe fantastique, passionnante et révoltante. Elle raconte l'arrivée de la chrétienté en Bretagne avec doigté. On note particulièrement la subtilité avec laquelle les prêtres passent de sauveurs modernes en véritables saints d'une droiture salvatrice, à un rôle de tyrans castrateurs et manipulateurs. C'est jubilatoire.
Beau et envoûtant
Annaïg s'est associée au dessinateur d'Orléans Loïc Sécheresse. Il utilise le pinceau avec des traits vifs et épais. Les courbes grasses de la ville d'Ys contrastent avec les droites austères de la cathédrale de Quimper. Les corps sont souples et les visages très expressifs.
Les lignes de Loïc Sécheresse ondulent et se brouillent, ce qui donne un dessin flou qui est paradoxalement précis et parfait pour ce récit.
Didier Charlet/ld