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Philippe Lançon, prix Fémina: "On écrit pour faire acte d'humanité"

Philippe Lançon. [RTS - Laurence Desbordes]
Philippe Lançon: lʹécriture ou la mort / Babel / 39 min. / le 4 novembre 2018
Le journaliste et écrivain Philippe Lançon a reçu lundi le prix Femina pour "Le Lambeau", livre qui revient de façon poignante sur l'attentat de Charlie Hebdo. Il raconte sa lente reconstruction après sa grave blessure au visage.

Le 7 janvier 2015, le journaliste Philippe Lançon est très gravement blessé au cours de l'attentat contre "Charlie Hebdo", attentat qui a fait douze morts, dont huit membres de la rédaction. Le bas du visage arraché, Philippe Lançon est hospitalisé pendant des mois et subira plus d'une vingtaine d'opérations pour reconstruire sa mâchoire.

>> A écouter l'analyse de Sylvie Tanette dans La Matinale :

Couverture du livre "Le Lambeau", écrit par Philippe Lançon. [Editions Gallimard - DR]Editions Gallimard - DR
Extrait du Journal de 7h sur le Prix Littéraire / RTSCulture / 1 min. / le 6 novembre 2018

Un livre trois ans plus tard

Trois ans plus tard, en janvier 2018, le survivant publie "Le Lambeau", livre unique, qui raconte les heures qui ont précédé l'attentat, puis l'attentat lui-même, et comment ce drame, et les séjours hospitaliers qui ont suivi, ont modifié sa vie et celle des autres autour de lui.

Il ne s'agit pas d'un journal de bord mais bien d'une construction littéraire qui s'accomplit parallèlement à une reconstruction physique et mentale. Philippe Lançon y décrit ses sentiments, ses sensations, sa mémoire, son corps et sa perception du corps, son rapport à la musique, à la peinture, sa manière de respirer et d’écrire.

Le livre restitue au plus près ce que j'ai vécu au moment où je l'ai vécu.

Philippe Lançon, auteur du "Lambeau"

L'art comme sentinelle

Dans cet enfer de douleur et de chagrin, Lançon trouve auprès de peintres, écrivains, et musiciens qu'il aime de quoi revenir à la vie: Proust qu'il lit depuis l'âge de 14 ans, Velasquez, qu'il vénère, et Bach, "le musicien qui entretient un merveilleux rapport avec le silence, dont j'avais tant besoin". Au micro de la RTS, Philippe Lançon, grand lecteur explorateur, dit qu'il a vécu en interdépendance avec l'écriture, qu'elle lui a été aussi nécessaire qu'une perfusion.

Houellebecq au début et à la fin

Ces textes, ces cantates, ces portraits peints n'ont rien de conceptuels. "Ils étaient concrets, aussi concrets qu'une tasse de café. C'étaient des présences qui m'ont aidé à vivre, à comprendre, à sentir, à me fortifier et à m'éclairer.

Rien à voir avec ces livres qui vous disent comment vous reconstruire, gagner en bien-être ou retrouver la forme. Ces livres-là, je les déteste, ils me dépriment.

Philippe Lançon, auteur du livre "Le Lambeau", prix Femina 2018.

Un écrivain ouvre et ferme "Le Lambeau", Michel Houellebecq, dont le roman "Soumission" paraissait le jour de l'attentat contre Charlie et que Philippe Lançon devait interviewer le lendemain. Des années plus tard, les deux hommes se retrouvent. Toujours aussi mélancolique, pessimiste et doux, Houellebecq dira à Lançon: "Ce sont toujours les violents qui l'emportent". C'est pourquoi, selon Philippe Lançon, "on écrit pour faire acte d'humanité."

A partir du 7 janvier, tous les mondes dans lesquels j'avais vécu, toutes les personnes que j'avais aimées se mirent à cohabiter en moi sans préséance ni bienséance, avec une intensité folle, proportionnelle à la sensation qui dominait: j'allais les perdre, je les avais déjà perdus.

Philippe Lançon, lauréat du prix Fémina 2018.

Propos recueillis par Laurence Desbordes/ Réalisation web Marie-Claude Martin/mcc

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Les autres récompenses de Fémina

La romancière américaine Alice McDermott a reçu le Femina étranger pour "La neuvième heure" (La table ronde) et Élisabeth de Fontenay, le Femina essai pour "Gaspard la nuit" (Stock).

Pierre Guyotat, en compétition avec son roman "Idiotie" (Grasset), a reçu un "prix spécial pour l'ensemble de son oeuvre".