Figure cardinale de l'histoire de la musique, aux sources du jazz, Scott Joplin rencontre le succès à partir de 1899, avec le désormais célébrissime "Maple Leaf Rag". Des rouleaux pour piano mécanique de 1916 nous permettent aujourd'hui encore d'entendre cette pièce sous les doigts de Scott Joplin. Des orchestres, et bientôt de grands solistes, s'emparent alors de sa musique.
Dès le début du XXe siècle, on trouve également chez un Debussy une connaissance évidente du ragtime (dans le "Children's Corner", 1906-1908). Pourtant, à l'instar d'autres figures trop tôt disparues, Joplin et sa place dans l'histoire du jazz seront largement méconnus après sa mort, survenue en 1917.
Vers un succès mondial
C'est en 1973 seulement qu'il redevient une célébrité, lorsque le réalisateur George Roy Hill choisit "The Entertainer", de Scott Joplin, comme musique de son long métrage "L'Arnaque" ("The Sting"), avec Paul Newman et Robert Redford. Le succès du film porte la musique de Joplin à une popularité mondiale. D'innombrables enregistrements et versions de ses standards, "Maple Leaf Rag" et "The Entertainer" en tête, en attestent depuis, dans des arrangements convoquant jusqu'au clavecin ou l'ensemble de tubas...
Une histoire d'éducation
Dans l'Arkansas du XIXe siècle, le père de Scott Joplin est un ouvrier du rail. Sa mère fait des ménages. Ses deux parents sont aussi musiciens amateurs: son père joue du violon dans les fêtes populaires, sa mère taquine le banjo. Quant au petit Scott, il découvre le piano et en joue dans les maisons où sa mère gagne sa vie. Passionné de musique, il anime très jeune un ensemble vocal, joue de la guitare, de la mandoline...
Une rencontre fondamentale
Le parcours de Scott Joplin n'aurait pas été le même sans la rencontre avec Julius Weiss. Weiss est un professeur de musique, un juif allemand émigré aux Etats-Unis. Un personnage qui dans son pays natal a éprouvé le racisme dans sa chair. Ebloui par les qualités du jeune Scott Joplin, Julius Weiss lui dispense gratuitement des cours pendant des années, l'initiant à la musique classique européenne et à l'opéra. Scott Joplin lui en restera reconnaissant toute sa vie, et lui enverra de l'argent des années plus tard lorsque Weiss sera vieux et malade.
Un premier opéra
La connaissance que Joplin acquiert ainsi de la musique classique européenne se retrouvera dans son opéra "Treemonisha", composé en 1911. L'héroïne qui donne son nom à l'opéra est une femme noire instruite, qui cherche à partager ses connaissances avec des villageois, en dépit de la résistance de ses adversaires obscurantistes. Cet opéra, Joplin ne parviendra pas à le faire représenter de son vivant, sinon dans une version de concert préparée avec les moyens du bord, qui ne rencontrera pas le succès espéré.
C'est à Gunther Schuller qu'on doit d'avoir reconstruit une orchestration de cet opéra dans les années 1970, l'instrumentation originale étant perdue, et de l'avoir fait jouer et enregistrer. Une pièce qui montre la foi que Scott Joplin place dans l'éducation, pour libérer les noirs de l'ignorance et de l'oppression. Une oeuvre à laquelle l'Amérique de 1911 n'était manifestement pas prête.
Francesco Biamonte/mh