La sélection d'Anya Leveillé
Mélissa Laveaux, "Radyo Siwèl". No Format, 2018
Dans son troisième album, la chanteuse Mélissa Laveaux explore ses racines haïtiennes et s’intéresse à l’occupation de l’île par les Etats-Unis, de 1915 à 1934. A travers des textes et des mélodies collectés en Haïti, la voix délicieusement éraillée de Mélissa Laveaux s’épanouit sur une section rythmique euphorisante servie par le trio A.L.B.E.R.T. Un remède 100% naturel à la morosité ambiante!
Reis-Demuth-Wiltgen, "Once in a blue moon". Cam Jazz Records, 2018
En 1998, alors qu’ils étudient dans un lycée au Luxembourg, le pianiste Michel Reis, le bassiste Marc Dëmuth et le batteur Paul Wiltgen décident de monter un trio. 20 ans plus tard, les trois complices qui ont accompagné la tournée européenne de Joshua Redman continuent à nous magnétiser par leurs mélodies entêtantes, leurs pulsations implacables et leurs improvisations poétiques.
Camille Bertault, "Pas de Géant". Okeh Records / Sony, 2018
Prodigieuse contorsionniste et acrobate vocale, la chanteuse jazz Camille Bertault livre un album tourbillonnant dans lequel ses mots virtuoses, rebondissants, humoristiques filent par-dessus les mélodies improvisées les plus folles de l’histoire, dont l’inestimable et complexe "Giant Steps" de John Coltrane (y compris le solo !). Camille Bertault vous fait aimer ce qui lui est fondateur. Pas de zapping, juste un kaléidoscope de géniales interprétations avec un orchestre de luxe. Arrangements Michael Leonhart.
Ann O'Aro, "Ann O'Aro". Cobalt, Buda Musique, 2018
Dans son premier album, la jeune chanteuse réunionnaise Ann O’Aro livre une œuvre poétique, bouleversante et troublante. Que l’on comprenne ou non le créole, difficile de rester de marbre à l’écoute de cette voix tour à tour solaire, rugissante ou lancinante qui raconte l’enfance profanée de cette extraordinaire artiste. Accompagnée par les percussions traditionnelles du maloya, Ann O’Aro crée une œuvre d’une puissance inouïe. Un album incontournable et inoubliable!
Mark Padmore, Kristian Bezuidenhout, "Schubert: Winterreise". Harmonia mundi, 2018
Après une première version enregistrée en 2009 avec Paul Lewis, le ténor britannique Mark Padmore s’empare à nouveau des 24 lieder de Winterreise, accompagné au piano-forte par Kristian Bezuidenhout. Fort de son expérience dans les répertoires de musique baroque, Mark Padmore dévoile une vision originale de ce voyage désespéré, irrigué par des couleurs, des nuances et des effets vocaux inattendus soulignés par le timbre épuré mais jamais désincarné du piano-forte.
La sélection de Benoît Perrier
Japon. Offrande musicale, Teruhisa Fukuda, maître de shakuhachi. MEG-AIMP &VDE-GALLO, 2018
L’art du "honkyoku", fondement de la tradition classique pour flûte shakuhachi, dans ce qu’il peut avoir de plus méditatif et de plus inspirant à la fois: Teruhisha Fukuda est un vrai maître du genre et il est servi ici par une prise de son particulièrement belle. L’Académie Charles Cros ne s’y est d’ailleurs pas trompée, qui a attribué à cet album un de ses Coups de Coeur Musique du monde 2018.
David Helbock’s Random Control, "Tour d’Horizon - from Brubeck to Zawinul". Act, 2018
Le pianiste autrichien David Helbock fait passer ses héros du piano dans un nouvel univers. Une instrumentation inattendue: trio piano-cuivre-anches, où chacun interprète cinq instruments différents d’une pièce à l’autre. On retrouve les standards des plus grands dans de nouveaux habits, nouvelles rythmiques, mélodies souples qui se jouent du temps. Surprise à chaque fois: les arrangements du trio vous transportent. Qui dit mieux? Réussite du genre.
Fabrizio Chiovetta, Mozart: Piano Sonatas K 282, 310, 332, Rondo K 511. Aparté, 2018
Un Mozart tout en nuances, à la fois pénétrant et lumineux, c’est ce que propose le pianiste suisse et italien sur ce recueil de sonates. Pas une note dont le dessein n’ait été réfléchi, choisi, presque ourdi. Et pourtant, la légèreté, le chant sont là. Une interprétation analytique et lyrique à la fois, qui l’eût cru? Un remarquable résultat sûr d’enchanter les mozartiens comme de déstabiliser, en bien, les réfractaires à Amadeus.
Sandro Perri, In another Life. Constellation, 2018
Et si une chanson pop s'étirait bien au-delà des trois minutes réglementaires d'un single radio? Mille quatre cents soixante et une secondes sublimes en perpétuelle variation sur un ostinato de synthétiseur, c'est ce qu'a livré le Canadien Sandro Perri avec le morceau-titre de son dernier album. Une traversée onirique et maîtrisée. Un triptyque chanté l’accompagne et l’on y entend la voix d’un compatriote, Dan Bejar, le leader de Destroyer.
Ann O'Aro. Ann O'Aro. Cobalt/Buda Musique, 2018
Une voix qui s'impose, une maturité inconcevable pour un premier album: on croirait Athéna sortie casquée du crâne de Zeus. Ann O'Aro puise au maloya de la Réunion pour exorciser les drames qu’elle a connus mais il y a bien plus que de la catharsis dans ce disque aux arrangements et aux chœurs millimétrés: de l'art qui cogne et qui laisse pantois.
>> L'album de Ann O'Aro dans "Magnétique":
Réalisation web: Melissa Härtel