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La pop suisse, des racines musicales qui viennent d'ailleurs

Le chanteur suisse Marc Trauffer devant l'Eiger, le Mönch et la Jungfrau en 2018. [KEYSTONE - Peter Klaunzer]
Le chanteur suisse Marc Trauffer devant l'Eiger, Moench et la Jungfrau en 2018. - [KEYSTONE - Peter Klaunzer]
Dialecte, costume traditionnel et yodel: la musique pop suisse aime se parer de folklore. Mais ses racines se trouvent ailleurs. Explications.

"Kiosk" du groupe de Polo Hofer Rumpelstilz est un tube de 1976 qui fait partie de l’ADN du folklore suisse allemand aujourd’hui: un classique pop. Mais qu’a-t-il de vraiment suisse?

Le refrain emprunte à un morceau du groupe rock américain "Little Feat", le rythme est jamaïcain. Une combinaison gagnante, certes, mais il s’agit d’un produit d’importation.

Vernis suisse sur des chansons importées

Ce qui reste ce sont les paroles, qui s’imposent rapidement en Suisse alémanique. Des paroles bien "proprettes", quelques cris de joie et un accordéon en hommage aux ländler du cru. En fait ces morceaux ne sont qu’un vernis local pour "suissiser" la pop internationale.

Le rocker mise tout sur la suissitude: Gölä et son chœur de yodel à l’unspunnenfest. [Keystone - Peter Schneider]
Le rocker mise tout sur la suissitude: Gölä et son chœur de yodel à l’unspunnenfest. [Keystone - Peter Schneider]

Cela vaut aussi pour les représentants du genre arrivés plus récemment, comme Gölä, qui revisite ses anciens titres entouré d’un chœur de yodel, ou le rocker folklorique Marc Trauffer. Contrairement aux pays anglophones, la Suisse n’a pas de racines rock et pop.

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"Heimat", un mot difficile

Schwyzerörgeli (accordéon schwyzois) et Alphorn (cor des Alpes), Juchzen (cris de joie) et Jodler (yodel) – la musique folklorique existe bel et bien, elle est populaire et 100% helvético-suisse. En effet, on ne peut pas dire qu’elle ait eu une grande influence sur la musique pop.

Il a fallu du temps avant que des formations comme Hujässler ou Pflanzplätz s’attaquent à cette tradition, la modernisent et l’imposent, pour que des musiciens d’autres univers musicaux comme Christine Lauterburg, Erika Stucky ou Max Lässer se souviennent de leurs racines.

Jusque dans les années 1980, en Suisse, le folklore était considéré comme démodé et local, contrairement au folklore irlandais ou finlandais. Pas touche, donc. Le fossé entre ville et campagne, entre moderne et démodé s’est creusé, à en devenir abyssal.

"Heimat", le mot est quasi intraduisible, mais aussi quasi impossible à définir avec certitude. Un mot dont la définition a été surtout marquée par l’Allemagne nazie au siècle dernier.

C’est peut-être pour cela qu’en Suisse aussi, les musiciens et les citadins ont tourné le dos au folklore. Heureusement, on voit aujourd’hui les choses avec plus de recul.

Dialecte et racines musicales

Depuis que "Kiosk" est devenu un hymne national alternatif il y a plus de 40 ans, le dialecte alémanique occupe une place de plus en plus grande dans la vie publique et la musique populaire.

De Polo à Züri West en passant par Plüsch: la liste est longue des groupes qui chantent en dialecte. Des rappeurs et des chanteurs reggae s’y sont mis eux aussi. Chanter en dialecte est devenu la règle plutôt que l’exception – et les styles sont variés.

Plutôt la règle que l’exception: des groupes suisses, comme Züri West, chantent en dialecte. [Keystone - Peter Klaunzer]
Plutôt la règle que l’exception: des groupes suisses, comme Züri West, chantent en dialecte. [Keystone - Peter Klaunzer]

Le grand potentiel d’identification, la "suissitude", est dans les paroles. Elles racontent la réalité helvétique, dans les paroles politiques controversées de Gölä comme dans les rimes poétiques de Stiller Has.

La musique peut être ce "Heimat", créer un sentiment d’appartenance à un groupe, à la diversité d’une société. Quand Polo Hofer chante "Alperose" ou quand Span interprète "Louenesee", c’est vraiment un morceau de "Heimat" en musique – c’est le (plus tout à fait) nouveau folklore suisse.

Eric Facon (SRF)/ Adaptation web: Miruna Coca-Cozma

Cet article a été publié sur SRF Kultur.

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