En Grande-Bretagne, le rock retrouve son identité politique et contestataire. Alors que les punks et les rockeurs anglais s'étaient faits discrets sur le terrain militant depuis la fin des années 1980, le Brexit semble avoir réveillé leurs convictions. Sur fond de précarité et de politiques identitaires, les rockeurs anglais haussent à nouveau la voix pour exprimer leurs opinions, leurs colères ou leurs désillusions.
Une renaissance timide, puisqu'elle ne concerne qu'une dizaine de groupes émergents, principalement londoniens, connus des seuls passionnés. On est bien loin de la renommée des groupes punk-rock contestataires des années 1980, comme The Clash, les Sex Pistols ou The Smiths. Si certains musiciens s'inspirent de l'actualité récente pour faire de l'humour ironique ou des actions militantes, d'autres expriment plutôt une détresse pessimiste, chantant sur leur incapacité à véritablement influencer le cours des choses.
Rock on Brexit
Au club Windmill à Brixton, au sud de Londres, de nombreux groupes célèbres ont fait leurs premières scènes. On y programme surtout des groupes locaux: "Il y a de moins en moins d'endroits où les groupes peuvent se lancer", explique le programmateur de la salle, Tim Perry. Selon lui, un des facteurs qui influence les musiciens et les politise, c'est la gentrification de Londres.
Ce qui choque les groupes actuellement, c'est la manière dont Londres a changé, la manière dont elle s'est embourgeoisée. Confrontés à un coût de la vie toujours plus cher, ces jeunes artistes se révoltent contre le gouvernement qui, selon eux, ne se préoccupe pas de leur sort. Un problème qui ne touche pas que le milieu musical.
Le retour du rock contestataire?
Dans les années 1990, les groupes les plus célèbres étaient Oasis et Blur. Ils faisaient partie d'un courant brit-pop très peu politisé. Pourquoi le rock s'est-il éloigné de ces sujets et a-t-il cessé d'être contestataire depuis les années Thatcher? Et pourquoi s'en empare-t-il à nouveau? Pour Tim Perry, le rock n'a sans doute jamais cessé d'être contestataire, mais il a peut-être été, un temps, délaissé au profit de la pop. C'est donc plutôt le retour du rock que celui de la contestation.
Il y a dix ans, les groupes voulaient signer des contrats, être repérés par un label. "Je crois qu'aujourd'hui, ils font de la musique pour d'autres raisons", explique Tim Perry. "Ils font de la musique parce que, plus que jamais, ils veulent être intègres, se faire plaisir et voir ce que cela provoque".
Pour le programmateur, la Fat White Family n'est pas étrangère à ce renouveau. Lorsque le groupe se produit pour la première fois au Windmill en 2011, le rock était devenu très mou, très chic, très branché. La Fat White Family était dès lors complètement à contre-courant de ce qui se passait à Londres à l'époque puisqu'il faisait ce qui leur plaisait, tout simplement. "Je crois que ça a influencé beaucoup de groupes qui se sont dit: "n'essayons pas juste d'impressionner des managers ou des labels, mais faisons de la musique pour nous-mêmes!"". A l'image de Idles, Goat Girl ou Slaves.
Le rock Brexit, un nouveau mouvement?
Pour le public du club Windmill, il y aura toujours une place pour la politique dans la musique. Que ce soit le Brexit, le mariage homosexuel, la crise du logement, le chômage, la musique est une bonne façon de le crier haut et fort, comme le fait le groupe Idles.
Le Brexit, c'est juste une pomme de terre en plus dans le ragoût. Je ne pense pas qu'il y ait un rock Brexit ou un punk Brexit. Je pense qu'on a juste atteint un nouveau niveau de contestation avec le Brexit.
Mattie Vant, chanteur et compositeur du groupe anglais Vant, explique que sa musique doit avoir un but, un sens. Une grande partie de son écriture porte sur la détresse et l'impuissance. "Je me sens tellement submergé par tout le climat politique mondial, que j'ai l'impression de ne plus avoir de contrôle dessus", dit-il. Le musicien est passé d'un état où la politique l'inspirait beaucoup à un état de complète désillusion à cause de la situation actuelle. Protestant contre le Brexit, Mattie Vant fait partie de ces artistes qui ont appelé à voter un nouveau référendum.
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Se battre contre la situation ou la subir, deux attitudes qui influencent à leur manière le rock en Angleterre actuellement. "Je fais de la musique parce que j'adore ça, et on ne sait jamais ce que ça va donner... la musique est là pour les gens au moment où ils en ont besoin. Moi je vais toujours en avoir besoin pour exprimer ma frustration à propos du monde. Et si quelqu'un a besoin de ma musique pour les mêmes raisons, alors c'est tout ce qui compte", explique Mattie Vant.
Un reportage radio de Brice Andlauer
Adaptation web: Lara Donnet