C'est la diffusion dimanche dernier d'un documentaire de HBO (lire encadré) revenant sur des agressions sexuelles que le chanteur aurait commises sur des enfants qui a motivé la décision des différentes chaînes. Radio-Canada, de son côté, affirme pour l’instant suivre la situation sans cesser la diffusion des chansons de Michael Jackson.
Toutes les chaînes de radio ou de TV font face au même dilemme: faut-il bannir les œuvres d'un artiste en raison de ses idées ou de ses agissements? La question s'est posée par le passé, notamment à propos de Roman Polanski ou de Bertrand Cantat.
Nécessaire prudence des diffuseurs
"En tant que diffuseur, on offre et on impose aux gens. Donc il faut être très prudent", relève Willy Dézelu, programmateur à la RTS. "D'un côté, on ne peut pas appliquer une double peine. Mais en même temps, on a bien conscience que des gens nous écoutent et vont subir des choses, des artistes, qui peuvent leur rappeler des problématiques insoutenables. Il n'y a pas de règle, mais il faut que l'on soit prudents avec ce qu'on diffuse. Il faut le diffuser au bon endroit au bon moment".
Et c'est déjà arrivé que la RTS applique un boycott - non pas sur des artistes ou leur vie, mais "sur des textes qui étaient vraiment problématiques,"
Ne pas lire un livre, une décision personnelle
La question se pose aussi dans d'autres domaines culturels, avec par exemple le célèbre architecte Le Corbusier, accusé d'antisémitisme. On ne peut ignorer ses constructions, mais un musée a le droit en revanche de refuser d'exposer ses travaux.
Face à la littérature de Céline, parfois haineuse à l'égard des Juifs, un libraire peut décider de ne pas la mettre à son étagère. Personne n'est obligé de l'acheter non plus, encore moins de la lire. "Il y a des réactions comme ça (...) de gens qui disent a priori qu'ils ne liront jamais Céline," constate l'agrégée de lettres Annick Duraffour. "Mais c'est une décision personnelle, qui reste libre. Cela ne peut pas être une décision générale, et cela ne paraît de toute façon pas légitime au niveau de l'opinion générale".
Dissocier l'oeuvre de l'artiste ou concevoir les deux comme un tout? Ce serait trop simple si on pouvait trancher.
Pierre-Etienne Joye/oang
Deux témoins brisent le silence
Le documentaire en deux parties "Leaving Neverland", réalisé par le Britannique Dan Reed, ternit un peu plus la réputation de Michael Jackson, présenté comme un prédateur sexuel au grand dam de sa famille. Il a été diffusé en deux parties, dimanche et lundi, aux Etats-Unis.
Ce document est centré sur deux hommes de 36 et 41 ans, qui racontent comment le chanteur les aurait violés de façon répétée. Ils ont également témoigné lundi soir dans le célèbre talk show d'Oprah Winfrey, expliquant à la présentatrice américaine pourquoi ils avaient gardé le silence si longtemps.
Ce n'est pas la première fois que Michael Jackson est accusé de pédophilie, mais le documentaire éclaire l'artiste sous une lumière plus crue que jamais.
Les héritiers de Michael Jackson ont réfuté ces allégations et saisi la justice pour réclamer à HBO 100 millions de francs au titre de ce qu'ils qualifient d'"assassinat posthume".
Le documentaire sera diffusé le 21 mars sur M6. Une décision qui s'avère d'ores et déjà sulfureuse puisque le documentaire, déconseillé au moins de douze ans, fait l'objet de 70 plaintes auprès du CSA, le régulateur de l'audiovisuel français. Mais l'organe ne se prononce que sur ce qui a été diffusé.
afp