100'000 dollars pour qui assassinera Shahin Najafi: l'annonce a été publiée en 2012 par un site religieux ultra-conservateur iranien, juste après la diffusion sur Youtube d'un morceau de rap jugé blasphématoire.
Un appel au meurtre, publié également dans la presse, où l'artiste apparaît en noir et blanc, la main droite sur le coeur. Et comme dans les westerns, le mot "WANTED" est imprimé juste au-dessus de la rançon.
Composer avec la menace
"Cet événement a beaucoup influencé ma vie", déplore Shahin Najafi, aujourd'hui réfugié en Allemagne. "J'ai dû vivre pendant 6 mois sous protection policière en Allemagne et depuis je dois composer constamment avec cette menace".
Ma vie est extrêmement sécurisée. Toute ma trajectoire a été chamboulée par ces attaques. L'objectif de ceux qui ont publié cet avis de recherche est surtout de me faire peur pour que je ne parle plus et que je ne dénonce plus le régime.
Star de la contestation
Mais comme dans le cas de la fatwa prononcée contre Salman Rushdie et ses "Versets sataniques", cette menace a offert au rappeur une incroyable exposition médiatique. Une visibilité amplifiée à l'heure des réseaux sociaux par les centaines de milliers de likes et de partages des internautes, qui ont propulsé Shahin Najafi au rang de star de la contestation contre le régime en place.
"On a du mal à croire qu’une chanson vous amène à ce qu’une fatwa soit prononcée contre vous, qu’on vous menace de mort. Mais ce sentiment s’est très vite transformé en motivation", dit-il au micro de la RTS. L'artiste comprend mieux son existence, son travail et, il le perçoit comme important dans le jeu artistique et politique iranien.
Cette fatwa me motive aujourd’hui à plus agir et je ne la vois plus comme un danger ou un mal.
"Je dois faire attention à moi, ma voix est écoutée par beaucoup. Je suis devenu un logo, un symbole pour une partie de la société, pour la nouvelle génération" explique-t-il. Il est conscient qu'il doit parler de la place de la religion dans la société, du combat des citoyens pour leurs droits, problèmes majeurs en Iran.
Aujourd'hui son message a fait des petits. Et si le rap est interdit officiellement à Téhéran, les studios clandestins regorgent de jeunes musiciens, filles et garçons qui empoignent le micro pour exprimer leurs idées.
Comme Shahin Najafi, ils slament pour faire tomber les mollahs et crient au reste du monde leur besoin de liberté.
Sophie Iselin/mh/mcc
Concert de Shahin Najafi, mercredi 13 mars à 20h, salle de l’Alhambra, Genève, dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH).