Chanter en langue bassa des choses graves avec une voix presque légère, douce. Les contrastes sont assez saisissants chez Blick Bassy. Son répertoire bercé par les rythmes traditionnels du Cameroun, traversé de lignes mélodiques pop claires et d'orchestrations minimalistes, où s'invitent volontiers funk et jazz véhicule des propos sombres sans jamais être plombé. Pourtant, "1958", son dernier album qu'il présente au Cully Jazz, n'a rien d'une promenade de santé puisqu'il est dédié au héros assassiné de la résistance anticoloniale camerounaise Ruben Um Nyobè.
"Il est décrit comme un terroriste mais est célébré dans tous les villages camerounais comme un combattant de la liberté. Je trouvais ce contraste intéressant et me suis donc mis à lire beaucoup de choses sur Um Nyobè. Cette figure, ajouté à ma crise identitaire personnelle, a débouché sur cet album", explique notamment Blick Bassy dans l'émission Magnétique de la RTS. Au fil de "1958", Bassy chante donc l'histoire de "celui qui porte la parole des siens" comme s'il s'adressait directement à lui.
Le métro parisien se souvient de son chant enivrant
Fondateur des groupes The Jazz Crew et Macasa, avec lequel il remporte en 2001 le Prix RFI Musiques du monde, Blick Bassy poursuit depuis 2005 une carrière en solo en s'installant à l'âge de 30 ans à Paris, où les couloirs du métro se souviennent encore de son chant enivrant. Ce n'est pourtant que dix ans plus tard qu'il rencontre vraiment le succès public avec la publication de "Äko", album de blues puissant et lumineux que les chansons de l'Américain Skip James ont influencé.
L'auteur-compositeur originaire de Yaoundé s'est aussi récemment fait écrivain avec "Le Moabi Cinéma" (Gallimard, 2016), roman s'intéressant à la question de l'exil à travers les "mbenguistes", migrants vers l'Europe qui font rêver ceux qui sont restés au pays.
Olivier Horner
Blick Bassy en concert, Cully Jazz Festival, le 5 avril à 20h, avec Oumou Sangaré.