Issu d'une famille de la petite noblesse, Ignace Jan Paderewski naît le 6 novembre 1860 à Kurylowka en Podolie, une région située actuellement en Ukraine.
Dès 1815, la Pologne n'existe plus. Elle a été partagée entre la Russie, la Prusse et l'Autriche. Sur l'ancien territoire polonais, plusieurs insurrections ont lieu jusqu'au début de la Première Guerre mondiale. Parallèlement, de nombreux Polonais émigrent vers l'Europe de l'Ouest ou vers les Etats-Unis.
Polyxène, la mère d'Ignace, meurt cinq mois après sa naissance. Avec sa sœur Antonina, de deux ans son aînée, il est élevé principalement par son père Jan.
Fervent patriote, celui-ci est emprisonné quelque temps en 1863, soupçonné d'avoir caché des rebelles lors d'une insurrection contre l'occupant russe.
Un événement pour le moins traumatisant pour son fils de 3 ans et qui est certainement à mettre en lien avec la forte conscience politique et patriotique qu'Ignace gardera toute sa vie.
Dans cette famille où l'on parle polonais, langue prohibée à l'école et dans les lieux publics, Ignace passe son temps libre à jouer sur un piano qui traîne dans un coin et reçoit ses premiers cours de musique de la part d'un violoniste. Un jour, Ignace a l'occasion d'assister à un concert et découvre sa vocation: il sera musicien!
Il a 13 ans quand son père, conscient du talent de son fils, l'envoie travailler au Conservatoire de Varsovie où il apprend à jouer de toutes sortes d'instruments. En 1879, après avoir obtenu son diplôme de virtuosité, il devient professeur de piano à Varsovie. Il a alors 19 ans et gagne sa vie. Mais il rêve de partir étudier la composition à Berlin, un rêve impossible à réaliser avec le peu d'économie qu'il possède alors.
En 1880, il se marie avec Antonina Korsak, une étudiante qu'il a rencontrée à son travail et qui accouche quelques mois plus tard de leur fils Alfred. Mais deux malheurs surviennent coup sur coup: Alfred est atteint d'une poliomyélite, maladie dont il mourra à l'âge de 21 ans et Antonina décède de complications liées à l'accouchement.
Suite à ce coup du sort, Paderewski noie son chagrin dans l'étude intensive du piano et passe beaucoup de temps à Paris chez son ami violoniste Ladislas Gorski. Petit à petit, une affection de plus en plus marquée se noue entre Madame Gorska et le pianiste polonais.
Quelques années plus tard, ce "ménage à trois" finit par exploser et Ladislas Gorski accepte le divorce. Hélène et Ignace se marieront à Varsovie le 31 mai 1899.
Avec l'argent laissé par sa première femme, le musicien réalise son rêve et effectue deux séjours à Berlin en 1881 et 1883. Il y étudie la composition et l'orchestration et rencontre de nombreux musiciens comme Richard Strauss ou Anton Rubinstein. Ces séjours stimulent les ambitions musicales du Polonais, mais l'argent lui manque à nouveau et il revient à Varsovie.
Peu de temps après, durant des vacances dans les Tatras polonaises, Paderewski fait la connaissance de l'actrice Hélène Modrzejewska, égérie du théâtre polonais qui fait une carrière internationale. Impressionnée par la prestance de l'homme et par les qualités du pianiste, elle décide de l'aider et organise un concert à Cracovie le 4 octobre 1884. Devant sa première salle comble, Paderewski accompagne au piano l'actrice qui déclame des textes.
L'argent gagné à cette occasion permettra à Paderewski de partir à Vienne pour y prendre des cours chez Theodor Leschetizk, pianiste, pédagogue et compositeur polonais que le jeune homme admire. Un séjour qui marquera aussi le début de sa carrière internationale.
En 1897, alors qu'il est déjà riche et célèbre, Paderewski achète la demeure de Riond-Bosson, située à Tolochenaz, juste à côté de Morges dans le canton de Vaud. C'est son amie la princesse de Brancovan qui habitait à Amphion, du côté français du lac Léman, qui lui avait fait cette suggestion alors que le pianiste cherchait un endroit tranquille pour se reposer et pour finir la composition de son opéra "Manru". Un lieu également parfait pour son fils Alfred dont la maladie demande de nombreux soins. Sa femme Hélène y trouve elle aussi son bonheur. Elle s'adonne à sa passion pour les volatiles en remplissant des volières d'oiseaux rares et en élevant des milliers de poulets de race.
Dans ce bel endroit, le couple reçoit régulièrement des amis de la région ou d'ailleurs. Ainsi les frères Morax, Ernest Ansermet, Emile Jaques-Dalcroze, Alfred Pochon, Gustave Doret, l'écrivain Henryk Sienkiewicz ou le musicien Henryk Opienski passent par la propriété de Riond-Bosson où les réceptions sont semble-t-il fameuses.
En 1965, la propriété de Riond-Bosson est détruite. Il ne reste sur place comme trace du passage du grand musicien qu'un pigeonnier. Mais une Société Paderewski de Morges voit le jour en 1977 et se donne pour but de garder intact le souvenir du Polonais dans la région. Elle est à l'origine, dans les années 1990 de l'ouverture d'un premier petit musée consacré à l'artiste dans le Grenier bernois de Morges.
En 2016, la Société Paderewski devient la Fondation Paderewski et le musée est transféré au Château de Morges avec une nouvelle muséographie qui met à l'honneur un important fonds d'archives.
C'est dans ce cadre que se tient jusqu'au 15 décembre 2019 l'exposition "1919, Paderewski président. Une vie d'engagement patriotique en faveur de la Pologne".