Le pianiste Ivan Ilić raconte, décrypte et interprète des chefs-dʹœuvre traversant trois siècles dʹhistoire du clavier. Installé au piano, il en évoque le contexte et explique la technique de composition. Un voyage muscial de Bach à John Cage, en passant par Haydn, Brahms ou Debussy.
Erik Satie
Triste et drôle, têtu et irrésolu
Immédiatement touchantes: les Gymnopédies d’Erik Satie bercent chacun par leur mélancolie d’enfant solitaire. Simples? L’analyse révèle dans leur nature statique une nouveauté radicale. Têtues et irrésolues. Indéchiffrables.
La musique d’Erik Satie a souvent été prise de haut par les clercs de la musique savante, mais le XXe siècle lui a conféré une popularité extraordinaire, et a finalement reconnu en Satie, mauvais élève et outsider, un avant-gardiste fascinant.
Johannes Brahms
Science ultime de la solitude
Extrême intimité, solitude, espoir de l’amour. Une mélodie s’esquisse, semble naître, sur une texture harmonique complexe distillée goutte à goutte. L’expression des sentiments du vieux Brahms est le fruit d’une écriture sophistiquée à l’extrême, d’une science consommée de la composition, passée aussi par l’expérience symphonique.
Brahms revient de ces grandes formes dans ses derniers chefs-d’œuvre, pour retrouver le monde solitaire du piano. L’Intermezzo, 4e pièce de l’Op. 116 en est un exemple, qui suscite respect et émotion.
Frédéric Chopin
Radical, moderne, déchiré
La figure de Frédéric Chopin est enveloppée d’une brume bleutée: c’est le jeune homme aux grands yeux faisant chavirer les cœurs mondains. Ses Préludes Op. 28 fournissent à qui les écoute une expérience aux antipodes de ces clichés. Dans chacun de ces formats brefs, voire ultra-brefs, Chopin condense une idée musicale fulgurante: radical et à vif.
Ici, le 15e de ces Préludes, l’un des plus longs de la série, livre sa modernité justement par sa longueur: il est construit entièrement autour d’une note unique répétée avec une obstination fascinante.
Morton Feldman
La pleine conscience du temps
La première impression est celle d’une musique lointaine, ponctuant pensivement un vaste espace vide de quelques notes très douces. Un examen attentif montre qu’une œuvre comme "For Bunita Marcus", de Morton Feldman, fonctionne par la concentration extrême de celui qui la joue. Elle exploite la résonance de chaque note plus encore que les notes elles-mêmes. Elle nous plonge dans un état d’attention calme. Intuitive et étrangère à tout système.
Les dix chefs d'oeuvre de l'histoire du piano
Notre dossier
>> A consulter, notre dossier exhaustif : dix chefs-d'oeuvre de l'histoire du piano racontés par Ivan Ilíc