En janvier dernier, Di-Meh faisait la couverture des "Inrocks". Une première pour un rappeur suisse et une consécration pour cet enfant de la rue, élevé à la dure dans une famille issue de l'immigration maghrébine, installée à Genève dans l'espoir d'y trouver une vie meilleure - tel qu'il le dit lui-même dans son titre "Maria".
A 23 ans, le jeune homme qui vit encore chez ses parents, connaît une célébrité grandissante. Son rap puissant et ses prestations sur scène sans concession font mouche. L'année passée, il a donné une centaine de concerts aussi bien en Suisse, par exemple à Paléo, qu'en France ou en Belgique.
Un succès voulu et assumé
Son nouveau projet musical "Fake Love" est sorti, comme tous les précédents, le 10 mai. 15 titres - dont une dizaine avec le beatmaker suisse Klench Poko - qui devraient confirmer un succès que le Genevois a toujours voulu et recherché. Lorsqu'on l'interroge sur ce point, il explique que dès ses premières tentatives de rap, il était déjà très déterminé. "Je savais que j'allais faire quelque chose de ça". Un succès qu'il évoque d'ailleurs sur le titre "Personne" présent sur cet album.
Mon heure sonne, putain d'merde, c'est l'moment de décoller
C'est à 11 ans, dans le skatepark de Plainpalais à Genève que celui qui s'appelle encore Mehdi découvre la culture hip-hop.
Quelques années plus tard, en 2008, en se promenant dans un magasin de disques, il achète - par hasard dira-t-il - "Ready to Die" de Notorious B.I.G. Un album-clé de ce genre musical qui sera un déclencheur pour le jeune homme. Il se met alors à écrire et à rapper.
De Genève à Paris
En 2010, Di-Meh participe à son premier "open mic", soirée durant laquelle chacun peut venir prendre le micro et présenter une chanson ou improviser. Une année plus tard, il lance une série de vidéos de freestyles où il alterne entre textes écrits et impros. Et c'est justement dans cette discipline que Di-Meh va faire parler de lui, fin 2011 lorsqu'il gagne le concours "End of the Weak" à Genève.
Ce soir-là, en coulisse, le jeune rappeur discute avec un certain Nekfeu - futur Victoire de la musique 2016 - et sa bande. Ils partagent ensemble une session d'improvisation. C'est le début des connexions entre Di-Meh et la France. Car à partir de là, le Genevois va passer de nombreux week-ends à Paris à côtoyer le monde du rap de la capitale. Dans la même période, en Suisse, il rejoint 13 Sarkastick, un collectif composé de plusieurs jeunes MCs genevois. Affamés de scène, ils participent à de très nombreuses soirées open mics, et autres concours d'improvisation, y compris à Paris.
"Comme sur des roulettes", le premier projet solo de Di-Meh sort en 2013. On retrouve sur l'un des titres Lomepal, rappeur parisien et star en devenir avec lequel il partage également une passion pour le skate. Dès lors, tout s'accélère. Di-Meh amorce progressivement une transition musicale, du boom-bap (sous-genre considéré comme rap "à l'ancienne") vers la trap et l'autotune (sonorités beaucoup plus actuelles). Il rejoint aussi le collectif genevois SuperWak Clique, dans lequel on retrouve Makala et Slimka.
Le vrai succès débarque en décembre 2016 avec la sortie de son titre "Focus" qui lui permet d'entrer chez Colors Records, un label indépendant genevois. La suite, c'est la sortie le 10 mai - une date pas choisie au hasard ! - de "Focus vol.1". Suivi, exactement un an plus tard, de "Focus vol. 2".
Durant cette période, il enchaîne les tournées avec SuperWak et avec Lomepal. Il fait même la première partie des concerts d'Orelsan à Bercy devant 16'000 personnes, avant de se retrouver en janvier 2019 en couverture des Inrocks en tant qu'"Espoir 2019".
Dans "Fake Love", Di-Meh parle de tout ce succès et du revers de la médaille: les trahisons d'anciens amis, l'hypocrisie, l'amour non véritable. Ce dernier projet lui fera passer encore plusieurs caps. Car à seulement 23 ans, le Genevois a l'assurance des artistes doués et encore de nombreux "10 mai" devant lui pour porter haut l'étendard du rap suisse.
Andréanne Quartier-la-Tente/Geos