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Au Montreux Jazz Festival, Cat Power vagabonde au fil de ses fragilités

La chanteuse Cat Power sur la scène du Montreux Jazz Lab, le 2 juillet 2019. [2019 FFJM - Anne-Laure Lechat]
La chanteuse Cat Power sur la scène du Montreux Jazz Lab, le 2 juillet 2019. - [2019 FFJM - Anne-Laure Lechat]
La chanteuse américaine Cat Power s'est produite mardi soir sur la scène du Montreux Jazz Lab, six ans après une première venue remarquée. Pour un concert qui a réactivé ses fragilités et fêlures, mais tout en douceur cette fois.

Elle quitte la scène de Montreux par un adieu. Une feuille blanche dans la main, Cat Power murmure "I'm missing you", des sanglots dans la voix. La chanteuse américaine semble s'adresser à Philippe "Zdar", défunt fondateur du duo électronique Cassius et surtout producteur qui a sauvé de l'enlisement son album "Sun" voilà six ans, qu'elle a enterré à Paris le matin même de son concert sur la Riviera vaudoise. Un ultime moment de sensibilité suspendue qui ne dépareille pas avec le reste d'une prestation où la chanteuse américaine a dévoilé à nouveau ses fragilités et fêlures, mais tout en douceur apaisée cette fois contrairement à l'âpreté passée.

Car Chan Marshall, âme trouble et voix ardente de Cat Power, peut désormais se targuer d'être à la tête d'un répertoire aussi âpre qu'hospitalier, chaotique et solaire. Ses figures musicales tutélaires se partagent entre lignes arides (Bob Dylan, Townes Van Zandt ou Joni Mitchell) et climats moites (James Brown ou Frank Sinatra). Autant de références qu'elle sait toutefois toujours transfigurer de son irrésistible timbre voilé et de son intelligence mélodique hors normes, entre animalité et tendresse. Folk, soul, blues, country-rock, blues, jazz n'ont semble-t-il aucun secret pour cette chanteuse au charisme aussi impressionnant qu'ensorcelant dont le mal-être ne se laisse à présent plus déborder sur scène par l'alcool et les larmes.

Un concert vagabond

Révélée par l'ébouriffant "What Would The Community Think?" voilà vingt-trois ans, l'Américaine Cat Power compte désormais parmi les meilleures et plus palpitantes plumes de la pop. Passée de l'underground à la lumière, Cat Power a presque acquis un statut d'icône contemporaine, aussi tourmentée que des légendes vocales comme Nina Simone ou Billie Holiday qu'elle vénère.

A Montreux, elle parcourt surtout le répertoire de "Wanderer", son dernier album paru l'an dernier en forme de périple biographique existentiel au fil duquel elle évoque son parcours et ses convictions tout comme ses souvenirs d’addictions et sa maternité. Le concert vagabonde donc, calmement d'abord par l'entremise du mélancolique "Horizon" sur lequel elle convoque sa famille en utilisant sa main tel un porte-voix, puis "Robin Hood" où elle se fait plus folk, buissonnière et lumineuse.

Opérant par crescendo, épaulée par trois musiciens (batterie, guitares, claviers) au diapason de ses émotions, Cat Power déroule le fil de ses errances par quelques splendeurs d'une cristaline noirceur comme "Me Voy" et "In your Face", deux micros devant la bouche pour insuffler quelques échos supplémentaires à sa voix de braise. Avant de conclure sur une rythmique plus enlevée par "Crossbones" (issu de son disque "The Greatest"), "Manhattan" (extrait de son album "Sun") et un bref "Wanderer" qui ouvre la porte sur ce rappel en forme d'éloge funèbre dont on se souviendra longtemps. Même dans une version apaisée, l'icône de la surémotivité a encore frappé.

Olivier Horner

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