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Le rappeur Gringe, le parcours lunaire d'un homme abattu

Gringe, rappeur et acteur français [Witold Langlois - DR]
GRINGE, introspection / Nez à nez / 26 min. / le 29 juin 2019
Ancien complice d’OrelSan au sein des Casseurs Flowters, le rappeur français Gringe est un artiste torturé mais toujours à la recherche de la sérénité. Il sort son premier album solo "Enfant Lune" dans lequel il évoque ses errances, ses traumatismes. Exercice d'introspection.

"Cet album, j’le vois comme un message de longs adieux. Comme une éclaircie dans mon ciel ombrageux."C’est sur cette précision que démarre le premier album solo cathartique "Enfant lune" du rappeur français Guillaume Tranchant, alias Gringe, moitié du duo Casseurs Flowters qu’il forme avec Orelsan.

Guillaume Tranchant alias Gringe vient d’avoir 39 ans. Il est né en 1980 à Poitiers et vit et travaille à Paris.

La crise

Gringe est dépressif, mélancolique. Et cette crise dure depuis des années. "Depuis que j’ai 15-16 piges, j’ai ce sentiment de voir le monde extérieur avec un filtre et de vivre en décalage (…) Là j’approche la quarantaine et j’vis encore comme un mec de 30 balais (…) j’ai du mal à m’installer, à m’ancrer dans ma vie."

Ce côté sombre, le rappeur l’assume pleinement. D’ailleurs s’il rappe, et s’il lui arrive de plus en plus souvent d’accepter des rôles dans des films, c’est pour pouvoir extérioriser ses démons (en musique) ou pour les mettre de côté en changeant de peau le temps d’un long-métrage (au cinéma). Incapable de travailler, ces 2 disciplines artistiques l’ont sauvé.

Si je n’ai plus la musique et le cinéma, je donne pas cher de ma peau

Gringe

"Enfant Lune", le titre du premier album solo de ce rappeur abattu par la vie, évoque l’expression "être dans la lune" - comme il l’est souvent - ou être "un oiseau de nuit", Gringe n’étant que très peu actif la journée. Mais on ne peut s’empêcher de voir à travers "Enfant lune" la terrible maladie génétique des "enfants de la lune" qui empêche les personnes atteintes de s’exposer à la lumière du jour.

Si le rapprochement entre le titre de cet opus et cette pathologie rare est involontaire, d’après Gringe la métaphore au sein de l’album n’en est pas moins multiple: "la marginalité dans laquelle je m’inscris, ma façon de vivre, mon mode de fonctionnement, je l’associe à celui des 'enfants de la lune' (…) Je suis quelqu’un de la nuit, donc, y’a un truc auquel je m’identifie. Évidemment c’est une ellipse que je fais, je ne suis pas malade comme eux. Mais je pense que je manque de mélanine à force. Je suis un vampire, je vis vraiment la nuit", dit-il à la RTS.

Des traumas indélébiles comme moteur artistique

Il est de ces évènements douloureux dans la vie qui vous marquent pour toujours au fer rouge: Gringe en a vécu deux. Lourds. En casi simultané.

Son frère, après une prise de drogue de trop lors d’une soirée, a déclenché une schizophrénie. Juste après, le père abandonne tout le monde et quitte le domicile familial. Gringe sombre alors dans une très très longue période de dépression profonde, de désarroi dont il tentera de se débarrasser par tous les moyens (prise de cocaïne et autres drogues de synthèse, il se met à fumer joint sur joint de manière frénétique, boit, consulte un psychologue…) Et puis un jour il rencontre Orelsan à Caen, ils sympathisent et créent le duo Casseurs Flowters.

Ces traumas mêlés à ses démons personnels de base (manque d’assurance en tout, peine à devenir adulte, inadaptation absolue au monde professionnel, accumulation d’échecs amoureux) donneront naissance à de magnifiques textes introspectifs aux côtés d’Orelsan (par exemple les titres aux paroles désabusées: "Des histoires à raconter", "Regarde comme il fait beau" ou encore "À l’heure où j’me couche").

Adieu les chocs

À travers son premier album solo "Enfant lune", Gringe tente un adieu définitif à ces chocs, à ces fantômes en les exacerbant plus que jamais, une toute dernière fois.

Il explique: "Si j’ai redonné la vie à quelques fantômes, ça me permet de garder un oeil sur eux et de vivre plus en paix avec eux. Il y a un côté très thérapeutique."

"Enfant lune" contient 2 titres poignants, qui correspondent chacun à l’un des deux traumas qu’il a vécu: "Scanner" relate l’accident de son frère et "Pièces détachées" revient sur le départ de son père en questionnant sa propre légitimité à le devenir un jour.

Des relations inachevées

Autre obsession, autre source principale d’inspiration: la galère amoureuse. Dans "Inachevés", présent sur le second album des Casseurs Flowters, Gringe rappe "j’compte plus mes relations inachevées" puis dans son album solo le titre "Retourne d’où tu viens" le met face à une ex dont il ne veut plus.

Dans ce morceau, il y a ce passage dans lequel il s’adresse à elle: "À ton tour de goûter à l’errance, trouve une autre victime à amadouer, plutôt crever que de te laisser une 2ème chance."

Amer et rancunier, Gringe n’en peut plus des relations amoureuses, il ne sait pas les gérer. Les femmes lui échappent, il les trompe, il reste "fidèle à l’infidélité" (malgré lui ?). Il redevient toujours au bout du compte célibataire.

>> A voir aussi: L'interview de Gringe pour Couleur 3 :

Gringe Les Bras Cassés
Gringe - Interview / L'invité des Bras cassés / 2 min. / le 11 mars 2019

À la recherche d’une vie cachée

De ce célibat chronique, il y a cette envie de trouver l’équilibre qu’il l’évoque dans son interview à la RTS: "Je suis en quête de ça, c’est le travail d’une vie (…) Mon ex me demandait chaque matin 'est-ce que t’es heureux aujourd’hui?', je ne savais pas quoi lui répondre… Je me sens souvent ni bien ni mal".

Il cherche la princesse. Mais la princesse n’est pas forcément une femme, c’est plutôt une récompense à toutes les épreuves qu’il aura affronté dans sa vie: "Moi, ma princesse, ça serait peut-être la paix intérieure. J’aimerais vraiment un jour être en paix avec moi-même".

Witold Langlois/mcc

Gringe sera présent au Paléo, dimanche 28 juillet.

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