Les chansons rock de Thiéfaine électrisent les Francomanias de Bulle
Il aurait sans doute apprécié le "Requiem" donné dans la cour du Château de Bulle mercredi soir juste avant son concert. Cette oeuvre au noir, où la mort rôde, à laquelle 24 chanteurs prêtent leur voix accompagnés de deux violons et d'une bande son synthétique analogique signée du Romand Frédéric Rody, aurait sans doute résonné dans l'esprit tourmenté d'Hubert-Félix Thiéfaine.
Aux Francomanias, le chanteur français au répertoire aussi érudit que maudit et surréaliste s'est produit dans le cadre de l'Hôtel de Ville. Une salle intimiste à mille lieues de la scène des Arches du Paléo Festival où il a joué fin juillet. Dans cette configuration de club, les chansons de Thiéfaine se sont révélées d'autant plus électrisantes.
Belle intensité
A Bulle, Thiéfaine était entouré de neuf musiciens, dont une généreuse et explosive section rythmique. Son immersion dans quarante ans de bons et loyaux sévices rock passe ainsi par des titres marquants comme "Les dingues et les paumés", "La ruelle des morts", "Lorelei sebasto cha" ou "La vierge au Dodge 51" qui a "la splendeur d'un enterrement de première classe". Le public s'époumonne, ravi que l'électron libre jurassien puise dans les chansons plus anciennes, à l'image encore de ce "Je t'en remets au vent" sentimental qu'il a écrit au lycée et que la salle connaît par coeur.
Débuté par "22 mai" et achevé par l'inévitable "La fille du coupeur de joints", le concert de Thiéfaine se révèle d'une belle intensité, même dans ses moments sombres où il évoque la guerre en Bosnie ("Crépuscule-Transfert") ou quand il attend que "se dressent vos prochains charniers" dans "Alligator 427".
Thiéfaine, en survivant magnifique, aura encore habilement manié ce soir-là surréalisme et spleen, genre humain et fêlures intimes, coups de blues et coups de sang.
Olivier Horner
Francomanias de Bulle, jusqu'au 31 août.