Une femme mariée peut trouver beaucoup de bonnes raisons de claquer la porte de la maison. Mais la plus irréfutable d’entre toutes, c’est celle qu’Eurydice laisse sur la table dans "Orphée aux Enfers": "Je quitte la maison parce que je suis morte".
"Orphée aux Enfers, c’est l’histoire d’un couple qui bat de l'aile ou plutôt des deux. D'un côté, Eurydice drague le berger Aristée, pendant que son mari Orphée drague les Nymphes en jouant un délicieux concerto pour violon d’1h15 (de sa composition). Un concerto que sa femme a du mal à apprécier à sa juste valeur.
Contraint à rechercher Eurydice
Eurydice meurt. Quel bonheur! pense le mari débarrassé. Mais l’Opinion Publique – le regard des autres - l’oblige à partir récupérer sa femme en décrétant que ça ne peut pas se passer comme ça. C’est dans les Enfers que se trouve Eurydice, enlevée par Pluton, et c’est là que Jupiter en personne va tenter de la récupérer pour sa propre consommation, métamorphosé en mouche. Jupiter trop content cela dit de quitter l’Olympe où il devait faire face à un mouvement de grogne syndical. Soulèvement des dieux contre Papa Piter! Ras-le-bol général des dieux face au régime de nectar et d'ambroisie.
"Orphée aux Enfers", c’est l'antiquité que le livret d’Hector Crémieux fait péter avec respect. Les dieux y jurent comme des charretiers, ça crie ça brait ça tire dans tous les coins. Satire satire! Le régime imposé de Napoléon III est juste assez conservateur pour donner l’envie au peuple d’en faire sauter le bouchon et sautent alors... l’hypocrisie sociale, les mariages de raison, et la grandeur des puissants. La bourgeoisie, nostalgique de ses origines populaires, suit le mouvement.
Le triomphe d'Offenbach
Mais derrière "Orphée aux Enfers", il y a aussi et surtout le triomphe du petit Jacob, né à Cologne. Arrivé à Paris à 13 ans, de Jacob il y devient Jacques, et rebondit mille fois. Face aux portes de théâtres mille fois fermées, il ouvre le sien, produit, se ruine, produit, se ruine et reproduit, en directeur multitâches aguerri. "Orphée aux Enfers", c’est pour Offenbach enfin le soulagement d’un succès éclatant.
A la mort du compositeur, "Orphée aux enfers" en sera à sa 1000ème représentation, porté par LA mélodie du siècle: un galop infernal fait de 3 boucles conclue par une grande gamme, qui, en descendant semble arracher le plafond et les lambris. Et mettre les envers à l’Enfer, l’Empire avec, et les puissants.