Aziza Brahim, un chant de combat pour les Sahraouis
Du sable, du sable et encore du sable : c’est le désert du Sud algérien. Loin de la mer, loin de la mère-patrie, loin de tout. C’est aussi Tindouf, une ville et surtout un immense camp où survit une partie du peuple sahraoui depuis plusieurs générations. C’est là, en 1976, que naît Aziza Brahim, petite fille de Ljadra Mint Mabrouk, poétesse connue auprès des Sahraouis surnommée "la poétesse au fusil".
Cette même année, l’Espagne abandonne la dictature franquiste et l’une de ses dernières colonies, le Sahara occidental. Un vaste territoire au bord de l’Atlantique entre Mauritanie, Algérie et Maroc. Une étendue rapidement annexée par le voisin marocain du nord et convoitée par le voisin mauritanien du Sud, par intérêt pour le potentiel économique du pays – ces terres sont riches en phosphates – et par méfiance envers l’autoproclamée République arabe sahraouie démocratique. Celle-ci est défendue par le Front Polisario et soutenue par le voisin et concurrent de toujours, l’Algérie. Une guerre, une reconnaissance officielle internationale et depuis, le blocage complet avec un pays coupé en deux et des camps de réfugiés qui survivent grâce à l’aide onusienne et aux ONG.
>>A regarder: la vidéo de "Hada Jil" d'Aziza Brahim
Le blues du désert
Les paroles d’Aziza Brahim ont la précision d’une boussole. Toujours orientées en direction du Sahara occidental, rappelant inlassablement le pays perdu, la lutte, les camps, les réfugiés. Après avoir vécu dans des campements et étudié grâce à une bourse à la Havane, la chanteuse habite à présent en Espagne depuis vingt ans. Une immersion dans la culture hispanique qui n’a pas adouci son combat et ses revendications pour l'autodétermination de son peuple, bien au contraire.
Cet exil a toutefois donné naissance au style singulier de la chanteuse : une musique du désert mi-arabe, mi-noire africaine telle qu’on la joue dans tout le Sahara. De Dakhla – ce petit paradis sahraoui pour surfeurs hédonistes sous administration marocaine – à Agadez, de Béchar à Niafunke, on entend ce qu’on nomme sous nos latitudes le "blues du désert". Les chansons sont des mélopées lancinantes ponctuées de youyous et d'esgarits, ces cris de joie et de puissance que lancent les chanteuses. A ces musiques originelles viennent s’ajouter des guitares espagnoles et des rythmiques au cajon héritées du flamenco, qui donnent à la musique d’Aziza Brahim quelque chose d’aérien et d’une classe folle.
Aziza Brahim est une artiste à la personnalité forte, qu’elle soit musicale, sociale ou politique.
Thierry Sartoretti/ms
A écouter en concert le 15 novembre 2019 à La Spirale à Fribourg, le 16 novembre 2019 à la salle communale d'Onex dans le cadre du festival Les Créatives et le 17 novembre 2019 aux Caves du Manoir à Martigny