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L'Europe des castrats

Alessandro Moreschi (1838-1922) en 1880, le dernier chanteur castrat. [AFP - Fototeca/Leemage]
Alessandro Moreschi (1838-1922) en 1880, le dernier chanteur castrat. - [AFP - Fototeca/Leemage]
Avec la tombée des feuilles, le plus important rendez-vous baroque de Suisse revient comme chaque automne. Le Festival Bach de Lausanne se place pour sa 22e édition, du 8 au 29 novembre, sous le thème de "Bach et l'Europe".

La 22e édition du Festival Bach de Lausanne, auquel la RTS est associée depuis les débuts en 1997, se tient pour du 8 au 29 novembre sous le thème de "Bach et l'Europe".

L'occasion d'essayer de dissiper quelques-uns des brouillards qui entourent l'art vocal baroque et particulièrement le monde des castrats. Depuis la mort du dernier d'entre eux, Alessandro Moreschi, en 1922, les fantasmes vont bon train sur l'organe (vocal) extraordinaire de ces "chapons humains".

Evviva il coltello!

"Vive le scalpel!". Cette exclamation du public transalpin, après une démonstration vocale dans l'opéra baroque, est peut-être inventée, mais ben trovata: les castrats avaient dès le XVIIe siècle les plus beaux rôles, étaient les musici les mieux payés, et leur virtuosité est légendaire. Des raisons de moralité (!) religieuse voulaient souvent que les femmes soient interdites sur la scène, dans l'Italie catholique dès le XVIe siècle, ce qui ouvrit des boulevards aux castrats: les notes hautes étaient préférées aux basses, pour leur analogie symbolique à l'élévation vers le ciel.

Une paire de scalpel "castratori" tenu devant la peinture du castrat italien Gaetano Guadagni (1729-92). [AFP - Adrian Dennis]
Une paire de scalpel "castratori" tenu devant la peinture du castrat italien Gaetano Guadagni (1729-92). [AFP - Adrian Dennis]

Les mœurs plus "naturelles" des Français et des Allemands en particulier ont empêché que l'opération soit d'usage en dehors de l'Italie méridionale, où elle concernait surtout de jeunes chanteurs doués, venant de familles pauvres, à qui l'empêchement de la mue faisait miroiter un avenir musical glorieux, ou au moins assuré dans des chapelles vocales ecclésiastiques. La faveur de l'opéra italien a fait voyager les castrats les plus célèbres jusqu'au nord de l'Europe, où un Haendel par exemple leur écrivait des airs ébouriffants pour les scènes londoniennes.

Aujourd'hui

À la faveur des avancées de l'interprétation musicale, qui recherche les sonorités les plus propres à servir la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, le répertoire virtuose de ces chanteurs exceptionnels est remis à la mode. Aujourd'hui que la castration humaine n'est plus pratiquée, ce répertoire est confié soit à des sopranos féminins soit à des hautes-contres masculines...voyez l'ambiguïté des genres de la langue française!

Comme les rôles des castrats à l'opéra étaient la plupart du temps masculins, les imprésarios d'aujourd'hui apprécient les chanteurs qui développent leur voix de tête, pour tenter de ressusciter ce timbre dont les textes de l'époque nous disent qu'il était aussi puissant qu'agile.

Des chanteurs comme Valer Sabadus – qui sera à Lausanne le 22 novembre –, Philippe Jaroussky ou Max Emanuel Cencic sont les stars du moment avec leur voix de fausset (sans nuance péjorative). Selon l'aire géographique, on les appelle contreténors, hautes-contres ou altos masculins – termes qui recouvrent le même registre vocal, qui n'atteint pas les sommets sopranesques auxquels certains castrats parvenaient.

>> A écouter, l'interview de de Leyla Schayegh, violoniste baroque et David Meichtry à propos du festival :

L'affiche de la 22e édition du Bach festival de Lausanne. [Festival Bach de Lausanne]Festival Bach de Lausanne
L’invité du 12h30 - Leyla Schayegh et David Meichtry pour parler du festival Bach / L'invité du 12h30 / 6 min. / le 7 novembre 2019

David Meichtry/ld

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