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Musiciens et surdité, une combinaison possible

Portrait de Ludwig van Beethoven (1770-1827) par le peintre Joseph Karl Stieler (1781-1858). [AFP - Collection Roger-Viollet]
Les maux des compositeurs: la surdité / Poussière d'étoile / 79 min. / le 19 février 2020
Comment fait-on de la musique lorsqu'on est sourd? De Beethoven à Evelyn Glennie, l'histoire montre qu'il est possible d'écouter sans forcément tendre l'oreille.

Parmi les infirmités qui ont touché les musiciens, et les compositeurs, la surdité est l'une des plus difficiles à imaginer. Le cas de Beethoven est le plus célèbre. Comment la surdité a-t-elle influencé sa musique? Des chercheurs se sont penchés sur cette question en étudiant des quatuors dont la composition s'étend sur plus d'un quart de siècle. Les premiers ont été écrits au début de sa gène auditive, et les derniers dans une surdité totale. Ces chercheurs se sont aperçus que les notes aiguës se faisaient moins nombreuses au fur et à mesure de l'aggravation de son mal.

Ressentir le son plutôt que de l'entendre

Rares sont les cas de surdité totale, et généralement les personnes sourdes peuvent percevoir les fréquences graves. Par conséquent, elles entendent la musique d'une manière différente. C'est le cas de la percussionniste écossaise Evelyn Glennie, alias Dame Evelyn Glennie, atteinte de surdité depuis ses 12 ans. Avec sa carrière brillante, c'est aujourd'hui une icône pour toutes celles et ceux qui désespèrent de faire de la musique parce qu'ils ont ce handicap.

Lorsqu'elle donne des conférences, Evelyn Glennie annonce que son objectif est d'apprendre aux gens à écouter. Voilà qui paraît très paradoxal pour quelqu'un qui n'a pas l'usage des oreilles. Sa démarche consiste donc à dépasser son handicap pour en faire une force. Sur sa chaîne YouTube, elle explique comment elle "écoute", ou touche et ressent la musique. "Malgré cela, personne ne comprend vraiment comment je fais et ce que je fais. Il faut simplement apprécier la musique et oublier le reste", dit-elle.

Changement de voie

Lorsque la surdité arrive en cours de carrière, certains musiciens et compositeurs décident de changer de voie. C'est le cas du compositeur britannique William Boyce. Comme Bach, il est organiste et considéré comme l'un des meilleurs compositeurs du 18e siècle. Lorsqu'il perd l'ouïe, il se transforme en éditeur et publie l'œuvre de ses collègues comme William Byrd et Henry Purcell.

Le compositeur français Gabriel Fauré a lui aussi dû envisager un changement de carrière durant les vingt dernières années de sa vie. "J'ai été écouter Verdi à l'opéra", écrit-il à sa femme en 1919. Il est alors âgé de 74 ans. "Je n'ai entendu que des sons si cocassement mêlés que c'était à m'en croire fou". Lorsque son mal ne lui permettra plus du tout de diriger le conservatoire de Paris, Fauré se réfugiera dans la composition et produira quelques-unes de ses plus belles œuvres. Son élève Jean Roger-Ducasse remarque cependant, deux ans avant la mort de Gabriel Fauré, qu'il est horriblement sourd quand on lui parle. Et pourtant, Gabriel Fauré entend la moindre fausse note qu'on lui joue. Son cerveau reste lucide et lumineux.

Sujet radio: Jean-Pierre Amann

Adaptation web: Myriam Semaani

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