La liste des annulations de manifestations se rallonge au fur et à mesure de la prolongation de la pandémie. Dernières victimes en date: le tournoi de tennis de Wimbledon, prévu fin juin, le Festival classique de Verbier casé à la fin juillet, la Fête de la musique de Genève autour du 21 juin ou encore le spectacle équestre "Le Sacre du printemps" de Zingaro, qui devait se tenir dès mi-mai à Avenches. Sans parler des festivals rock anglais – les mastodontes Glastonbury, Download et autres Île de Wight - qui tombent devant l'avancée du Gengis Khan viral.
Qu'en sera-t-il des deux festivals préférés des Romands, prévus au cœur de l'été, en juillet? La pandémie va-t-elle les épargner? A Nyon comme à Montreux, on retient son souffle. Les programmes sont bouclés, les bénévoles engagés, les contrats signés, épluchés à la virgule près pour vérifier chaque clause d'annulation et… motus. Aucune star annoncée, aucune décision prise. On attend de voir. Mi-mai pour le Paléo Festival, fin mai pour le Montreux Jazz Festival.
Un pari un peu fou
Est-il raisonnable d'espérer les maintenir alors que la planète entière est à l'arrêt? C'est un pari. Un pari un peu trop fou pour certains pour qui cet optimisme relève de la Méthode Coué: on veut que tout aille bien, tout ira bien.
La situation est la suivante: actuellement, aucun artiste ne tourne, qu'il soit célèbre ou inconnu, américain ou brésilien, en groupe ou en solo. La plus grande billetterie mondiale, l'Américain Ticketmaster propriété du mammouth du spectacle Live Nation, est au point mort. Personne n'achète de places pour cet été, ni d'ailleurs pour l'automne prochain et ni même pour le début de l'année 2021. C'est la grande attente. Il y une double incertitude côté fans: les concerts auront-ils lieu? Ne faudrait-il pas mieux conserver son argent pour des besoins plus essentiels en cette période de crise?
De Madonna à Nick Cave, les grands noms du rock et de la pop ont repoussé leur tournée en 2021: pas question de prendre la route avec un risque financier à la clé.
Dans un tel contexte, ouvrir la billetterie d'un festival comme Paléo ou Montreux Jazz serait catastrophique. Annoncer le programme serait prendre le risque de le chambouler aussitôt et de devoir ainsi rembourser des billets déjà vendus. Problème: les festivals ont besoin d'argent frais précisément au moment de la période du montage. Pour financer personnel temporaire et infrastructures techniques.
Optimiste, mais réaliste
Au milieu de ce dilemme se dresse un grand point d'interrogation. Il a la silhouette longiligne de la Canadienne Céline Dion. Paléo l'attend le 20 juillet. De même que 35'000 fans ayant déjà acquis leur sésame pour le terrain de l'Asse. Mondiale, sa tournée porte – hasard – le nom de "Courage". Il en faudra. Les dates américaines de ce printemps ont d'ores et déjà été reportées. Céline Dion pourrait reprendre sa tournée sur sol européen le 21 mai à Prague, avec étape zurichoise le 2 juin au Hallenstadion.
Cela semble illusoire, à l'heure où aucun avion ne sillonne le ciel et où les deux continents, Amérique et Europe, n'ont pas encore atteint le pic de la pandémie. Céline Dion va-t-elle tout reporter pour assurer plus tard une tournée fluide et sereine? Paléo espère que non, pariant sur une tournée qui débuterait aussitôt les mesures de confinement levées, avec, miracle, cette date du 20 juillet comme un phare qui signalerait paix et sécurité aux naufragés de la pandémie.
Comment tenter pareil pari? En limitant au maximum le temps du montage, ce passage crucial où des centaines de techniciens doivent se réunir et cohabiter pour créer matériellement le festival. Actuellement, distance de sécurité oblige, c'est impossible. Mais à la mi-juin, alors que l'on parle de relancer les chantiers de construction en Suisse?
Directeur du Montreux Jazz Festival, Mathieu Jaton veut y croire, prêt à lancer le Montreux Jazz en un mois, ouverture de la billetterie et montage compris. Paléo fait le même calcul. Optimistes, volontaristes, mais réalistes toutefois: les deux festivals explorent toutes les options, y compris les pires. Au-delà des enjeux financiers et de la difficulté à lâcher une affiche de rêve gardée encore secrète, il y a ce rêve: la fête serait tellement belle si elle marquait en musique la fin de cette sinistre pandémie.
Thierry Sartoretti/ld