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Live Nation, colosse mondial du concert aux pieds d'argile

Live Nation a acheté l’été dernier le festival Openair de Frauenfeld et y a programmé le rappeur Eminem pour un concert unique en Suisse. [Keystone - Gian Ehrenzeller]
Live Nation, colosse de la pop mondiale devenu fragile / Vertigo / 6 min. / le 7 avril 2020
Le géant américain Live Nation possède tout ou presque dans quarante pays: stades, salles, stars, billetterie. Mais aujourd'hui, tout est à l'arrêt et les caisses sont vides.

Si vous ne connaissez pas Live Nation. Lui vous connait. Probable que ces douze derniers mois, vous avez eu affaire à lui sans forcément le remarquer. Sur son site internet, le géant américain affiche fièrement ce constat: "Toutes les quinze minutes, il y a un concert Live Nation quelque part dans le monde".

Fondée en 2005, la multinationale Live Nation revendique 38 millions de clients. Elle possède des stades, des amphithéâtres, des stars internationales par dizaines et plus de cent festivals open air dans une quarantaine de pays. Depuis 2010, Live Nation Entertainment possède aussi la première billetterie du monde: Ticketmaster.

Et puis le Coronavirus est arrivé

En février, Live Nation se veut rassurant en annonçant que la crise chinoise du Covid-19 n'impactait que très marginalement ses affaires. En mars, changement de ton: la société annule tout. Ses artistes ne tournent plus, ses festivals s'évanouissent. En Amérique d'abord, en Angleterre ensuite. Aujourd'hui, sa billetterie est également au point mort.

Il n'est pas ici question d'une perte de quelques millions de francs. Le chiffre d'affaires annuel de Live Nation, c'est plus de 11 milliards de dollars. Et la perte à la fin 2020 pourrait se monter à… 90% de ses revenus. Avec des millions de billets à traiter et rembourser à travers le monde.

Live Nation possède un bureau financier à Zurich. Son représentant Ralph Patrick Schuler parle pudiquement de "temps très difficiles", avec une partie des 24'000 employés et collaborateurs affiliés dans le monde de Live Nation au chômage partiel ou complet. Il y a de quoi être soucieux: le business des grands concerts, c'est comme le sport: il a été le premier touché par les mesures sanitaires; il sera le dernier autorisé à reprendre pleinement ses activités pour éviter tout risque de relance de la pandémie avec des mélanges de populations lors de grands rassemblements.

La situation de Live Nation est également très délicate du fait de sa cotation en bourse. L'an passé, cette société régulièrement recapitalisée affichait – par beau temps – près de 5 millions de dollars de perte. La débâcle de 2020 pourrait l'achever.

Tenter de sauver les meubles

Ainsi, le 17 mars dernier, la société américaine plongeait en bourse, perdant la moitié de sa valeur. Ces derniers jours pourtant, l'action de Live Nation est remontée alors que la crise mondiale du coronavirus est loin de s'achever.

Live Nation se démène pour sauver les meubles. Michael Rapino, propriétaire du groupe, a racheté personnellement pour 1 million de dollars d'actions à un taux plus élevé. D'autres investisseurs ont suivi pour sauver cette société qui a déjà pompé énormément de capital afin de financer sa croissance très rapide.

Du côté d'un festival romand, client de Live Nation, on peut entendre ceci: "Jamais on achèterait une seule action d'un groupe qui ne rapporte pas un centime et grossit à coup de nouvelles levées de fonds et d'acquisitions." Le fabuliste Monsieur de La Fontaine parlerait d'un effet bœuf et d'une grenouille.

Un retour progressif aux affaires à l'automne 2020?

On parle aujourd'hui d'assouplir progressivement les mesures de confinement. Pas de les lever du jour au lendemain. Et ce débat ne concerne pas tous les pays selon un même calendrier. Américains et Anglais sont très loin d'être sortis de la pandémie. Pas question dès lors d'envoyer une star du calibre de Madonna ou de Metallica dans une tournée mondiale si on ne peut pas traverser sans risque et sans encombre tous les pays de la planète ou presque.

C'est dans la durée que s'amortissent les plus grosses tournées. En mai, les stars débutent normalement leur périple aux Etats-Unis avec notamment Coachella. Dès le mois de juin, les festivals anglais prennent le relais et servent de tête de pont pour l'Europe. Or ces derniers déclarent forfait les uns après les autres. Et bon nombre d'entre eux appartiennent à Live Nation.

Les observateurs les plus optimistes parient sur un retour progressif aux affaires à l'automne 2020. Les plus réalistes constatent déjà que la plupart des grandes tournées, qu'il s'agisse du Cirque du Soleil ou de Nick Cave, se reportent sur 2021. Une année où la concurrence sera sanglante sur le marché des concerts et du divertissement.

Thierry Sartoretti/ld

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L'impact des problèmes de Live Nation sur la Suisse

En Suisse, Live Nation possède un festival: l'Open Air Frauenfeld. Prévu début juillet, il annonce notamment Kendrick Lamar et Asap Rocky et un plateau très R'N'B et hip-hop à forte dominance américaine. Via sa filiale zurichoise Mainland, Live Nation programme aussi l'Open Air Gampel, en Valais.

Live Nation ou Mainland fournit des artistes au Festival Paléo, au Montreux Jazz Festival et à toutes les manifestations et clubs d'importance. Live Nation programme aussi le groupe Guns N' Roses, légende du hard rock, au Stade de Suisse, le 14 juin à Berne, ainsi que la diva soul Alicia Keys, en juillet à Zurich. Autant de rendez-vous qui pourraient plonger par effet de domino.