En tant que musicien classique, franchement, on n’est pas souvent contents, hein. Parfois, on se sent tout écrasé dans une culture dominante et on n’est pas contents. Parfois, c’est la culture dominante qui s’intéresse à nous, et on n’est pas contents non plus. Mais en 2012, un nuage nébuleux de cordes laisse émerger des petits oiseaux, séquencés, restructurés. Des nappes de cordes en accords pop, en-dessous, font office de synthétiseurs. L’Allemand Max Richter sort son album "The Four Seasons Recomposed", les Quatre Saisons de Vivaldi recomposées.
La démarche? D’abord supprimer 75% du matériau musical et séquencer le peu de matériel conservé. Les musiciens baroques proposent des interprétations "historiquement informées" pour recréer le son des orchestres de l’époque. Richter fait l’inverse: il intègre la partition à notre époque et en réalise une version "contemporainement informée".
La détresse urbaine
Après le vide total des "DJ classic" ou autres "Requiem Remix", les "Quatre Saisons Recomposées" de Max Richter pourraient être la maturité 2.0 de la démarche d’injection de modernité dans du répertoire classique. Car ce qui nous attend, au bout de ces mesures répétées, au bout de ces basses noyées, c’est l’amère sensation de la détresse urbaine. Moderne. Et de nous qui marchons, de béton en trottoir, dans le noir de nos villes, plongées au fond d’un monde qui n’est que séquencé. Loin de la vie des champs, loin de la fenaison, des chants de Vivaldi, il n’y a plus de saisons.
RTS Culture