Stephan Eicher et sa petite musique de cuisine

Détendu. Il n'y a pas d'autre mot pour désigner ce Stephan Eicher-là, assis dans sa cuisine, entre évier et machine à laver, face à quelques vieux claviers qui pourraient dater de sa période Limmatquai, ses débuts en 1982. "Tout mon matériel était déjà parti en camion direction la Suisse lorsque le confinement a été instauré. Du coup, je suis resté ici, dans ma maison, en Camargue. Les mesures sont plus sévères qu'en Suisse, mais au moins j'ai plus de place que dans mon appartement".

Stephan Eicher reçoit donc – via vidéo conférence – dans sa kichnette. Il y donne de petits concerts, incite ses visiteurs virtuels à se laver les mains sur le rythme de "Combien de temps" et livre des entretiens qui alternent analyses sensibles et humour second degré sur la situation des artistes et les concerts offerts sur Facebook ou encore le système économique de YouTube.  Il indique ainsi qu'il faudrait taxer une petite partie des revenus des multinationales détenant les réseaux sociaux pour le reverser aux artistes n'ayant aucun revenu en ce moment mais offrant plein de contenus à ces plateformes.

Le confinement lui ferait-il du bien?

"Au moins cet été, je ne vais pas ruiner mon management avec des gestes artistiques sur scène impossibles à rentabiliser. Toujours trop grands, trop ambitieux. Cet été, je joue à domicile, dépense un minimum. Et je rassemble les recettes de cuisine de mes amis musiciens. Vous savez, les musiciens ne cuisinent jamais: toute l'année, ils mangent après le concert, très tard, dans le dernier restaurant ouvert, celui qui se trouve juste à côté de la gare. Là où on vous sert une vache morte avec des frites. Mais dès qu'ils rentrent chez eux, ils savent tous cuisiner un plat, leur plat préféré".

D’où la présence de Stephan Eicher à proximité des fourneaux. Il a le choix: boîte à rythmes ou batterie de casseroles. "Je m'amuse. Il y a une part de mise en scène, même quand vous pensez que la vaisselle n'a pas été faite", rigole Stephan Eicher tout en avouant que sa compagne aurait peut-être préféré qu'il s'installe dans une autre pièce.

Une musique dématérialisée

La musique n'a pas cessé avec le confinement. Elle est désormais – en mal ou en bien – largement dématérialisée. C'est ainsi que Stephan Eicher sort un nouvel album sur les plateformes de streaming. La bande originale du film "Monsieur N" du réalisateur et ami Antoine De Caunes.

Et sa cuisine camarguaise ne sent pas que l'ail, le thym et le romarin. On y prépare aussi la rentrée automnale, "si les mesures sanitaires le permettent... Il faut désormais accepter l'incertitude ou croire aux miracles", et à de nouveaux projets musicaux en fonction de cette situation particulière. Avec des artistes à distance.

Thierry Sartoretti/ld

>> A voir aussi, l'interview de Stephan Eicher dans "AntiVirus" :