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Renaud Capuçon: "Il va falloir que le public soit extrêmement compréhensif"

Le violoniste Renaud Capuçon en avril 2019. [AFP - Christophe SIMON]
Renaud Capuçon: "Il va falloir que le public soit extrêmement adaptable" / Musique Matin / 16 min. / le 1 mai 2020
Touché par l'annulation de concerts en cascade, le violoniste français poste des capsules vidéos depuis son domicile à Paris. Il réfléchit surtout à "l'avenir de la musique" et esquisse quelques "solutions" pour les prochains mois.

Depuis la mi-mars, Renaud Capuçon vit en confinement comme tant d'autres musiciens. Chaque jour, il poste une vidéo sur les réseaux sociaux où on le voit jouer un morceau dans son salon, à Paris, filmé à l'aide de sa tablette posée sur un trépied. Des "moyens rudimentaires", certes, lui permettant de garder un contact avec l'audience. "Ce n'est pas tellement la scène qui me manque, c'est le partage avec le public", insiste-t-il.

Près de 70 concerts annulés

La star du violon français a annulé près de 70 concerts d'ici au mois de juillet. Le Festival de Pâques de Provence, qu'il codirige avec Dominique Bluzet, a été supprimé.

"D'abord il y a la stupéfaction et la colère, confie-t-il, mais on ne peut pas être en colère contre qui que ce soit… Il faut l'accepter, être résilient et optimiste, et surtout se concentrer sur l'avenir. Pendant quelques mois, on va vers des situations différentes pour ce qui est des concerts, des opéras, de la musique de chambre. Il va falloir que le public soit être extrêmement compréhensif, adaptable, comme nous autres, les artistes, allons l'être."

Des attaches avec la Suisse

Renaud Capuçon a depuis toujours des attaches avec la Suisse. A 18 ans, il signait son premier contrat au Festival de Divonne – tout près de la frontière – grâce à Jean Auberson, organisateur de concerts établi dans le canton de Vaud. "C'est le premier pays qui m'a accueilli pour des concerts."

Lié à la Suisse par de nombreux postes (professeur à l'HEMU, directeur artistique de l'Académie Menuhin de Rolle, directeur artistique des Sommets Musicaux de Gstaad), il est obligé d'enseigner à distance par Zoom et Skype.

Discipline helvétique

Enclin à la "précision helvétique", Renaud Capuçon s'est fixé comme objectif de poster une capsule vidéo par jour. "J'ai envie d'avoir cette espèce d'adrénaline. Le fait de me mettre chaque jour un petit peu en danger en sachant que j'ai une heure pour enregistrer une pièce, le mieux possible, ça donne à la fois un peu de piment à ma journée, et c'est un partage."

La vie de famille a aussi sa place. "L'école de mon fils me donne du fil à retordre avec les fractions et les probabilités que j'avais évidemment oubliées!"

En combinaison de plomb à Notre-Dame

Il y a un mois, Renaud Capuçon a été invité à jouer à la Cathédrale Notre-Dame de Paris pour la célébration à huis clos du Vendredi Saint. Il a dû revêtir une combinaison anti-plomb. Il a interprété Bach dans une cathédrale "déserte" à la toiture ouverte: "C'était une des expériences les plus lunaires de ma vie, les plus fortes spirituellement et humainement."

Renaud Capuçon a joué à la Cathédrale Notre-Dame de Paris pour la célébration à huis clos du Vendredi Saint. [AFP - Ludovic MARIN]
Renaud Capuçon a joué à la Cathédrale Notre-Dame de Paris pour la célébration à huis clos du Vendredi Saint. [AFP - Ludovic MARIN]

Renaud Capuçon est conscient qu'il est dans une situation "privilégiée" avec un taux de concerts élevé par rapport à d'autres musiciens classiques. "Il y a énormément de musiciens indépendants qui sont dans le besoin et qui n'ont juste pas assez pour vivre. J'ai demandé au Ministère de la Culture, en France, de créer un fonds immédiat – comme il y a eu en Allemagne – pour aider ces musiciens parmi lesquels des ensembles non sponsorisés. J'ai redemandé un second fonds […], j'ai bon espoir que les plus fragiles soient aidés en priorité."

Réinventer le concert

La musique classique doit-elle se réinventer? "Il y aura petit à petit des concerts sans public avec des captations. On va devoir accélérer ce phénomène technologique qui fait qu'on peut regarder des concerts depuis chez soi." Les orchestres, "ce n'est pas pour tout de suite", estime-t-il, en raison des normes de distanciation sociale. Il faut "réfléchir à faire des demi-jauges (200 ou 300 places), céder éventuellement les droits de captations" et imaginer d'autres systèmes payants. Les voyages semblent être compromis pour les artistes internationaux, "jusqu'au mois de janvier" pour les traversées transatlantiques.

"On n'a jamais eu autant besoin de culture pour changer du quotidien devenu extrêmement étrange." Si les festivals et organisateurs pouvaient organiser des concerts respectant les normes de sécurité, il serait le premier à répondre à l'appel. "Ça donnerait beaucoup d'espoir à nous les artistes et au public."

Julian Sykes/ld

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