Il y a treize ans déjà que Raphaël Enard de son état civil s'est émancipé de son classieux quintette pop-rock Magicrays pour donner naissance à Raphelson. Depuis, il cultive aussi vite que possible mais aussi lentement que nécessaire son art d'un folk-rock à la mélancolie heureuse.
Son troisième album, "Fallen Idols", ne déroge pas aux lenteurs passées d'un répertoire intimiste embelli à nouveau par le travail d'orfèvre de son prestigieux complice de longue date, le producteur britannique John Parish (PJ Harvey, Eeels, 16 Horsepower, Arno ou Dominique A).
Introspections, vague-à-l'âme, crève-coeurs, mystères, sentiment amoureux, spleen et mellotron jouent les premiers rôles des chansons feutrées que le chanteur et guitariste vaudois a enregistrées dans son home-studio. En prenant son temps pour jouer de chaque instrument et en soignant ses compositions finement orchestrées.
Autant de titres qui pourraient sans doute figurer comme la bande-son idéalement habitée, sinon hantée parfois, des films de Lynch ou De Palma. De jeux d'ombres et de lumières permanents en éclairages tamisés ("The Boy") ou lumineux (fascinant "The Girl"), le transi de photographie qu'est Raphelson parvient à mettre un élégant grain noir et blanc dans ses trames mélodieuses.
Que Raphelson évoque le souvenir d'un baiser et son coeur brisé ("The Kiss"), ses rêves nocturnes, ses états d'âme diurnes ou déclare sa flamme ("The Heart") à sa façon souvent murmurantes, son ardeur touche. En épilogue de cet album autoproduit d'une cohérence folle décliné en dix chapitres, "The Reminder" s'autorise même quelques réminiscences nostalgiques à la façon d'une balade de Tom Yorke/Radiohead qui ne dépareille pas.
Olivier Horner
Raphelson, "Fallen Idols" (Fallen Idols Records).