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Bob Dylan de retour en forme et en mode rugueux dans un nouvel album

Bob Dylan sort "Rough And Rowdy Ways". [Sony - William Claxton]
Bob Dylan, rugueuses manières / Vertigo / 5 min. / le 18 juin 2020
Le songwriter nobelisé américain Bob Dylan livre son 39e album et son premier recueil de chansons personnelles depuis huit ans. Son titre: "Rough and Rowdy Ways". Plutôt une très bonne nouvelle.

Huit ans. Il aura fallu attendre huit années et la remise surprise, et pour certains, scandaleuse d’un prix Nobel de littérature en 2016 pour que Bob Dylan revienne avec de nouvelles chansons. Depuis "Tempest" en 2012, il avait consacré l’essentiel de ses sessions de studios à rendre hommage au répertoire de son enfance, alternant chanson de crooner et tubes de l’entre-deux-guerres. Voici donc aujourd’hui "Rough and Rowdy Ways", soit "rugueuses et tapageuses manières", 39e album par LE singer-songwriter par excellence, dont les sixties ont scruté les chansons comme d’autres interprètent Bible, Torah ou Coran.

Qu’est ce qui peut bien pousser Bob Dylan, 79 ans, légende vivante du folk-rock au caractère solitaire et ombrageux (pas une mince affaire de tenter le faire venir à Stockholm en 2016 pour y recevoir ses lauriers et prononcer un discours…) à enregistrer encore et encore ce répertoire usé, troué, rapiécé mille fois de folk-rock, de blues et de ballades? L’envie d’écrire peut-être. D’en découdre avec sa propre histoire et celle de son pays qu’il a si bien captée et chroniquée.

Des textes à la hauteur

Musicalement, ce Dylan est de très bonne facture, apaisé certes, mais avec un grain, un son, qui rend hommage à son titre: "Rough and Rowdy".

Et les textes sont à la hauteur, qu’ils soient tendres ou plus mystérieux, jouant les citations, les clins d’œil à l’histoire de l’Amérique et aux petites histoires du rock’n’roll. Dylan manie les mots comme le photographe William Klein jouait avec les panneaux publicitaires des rues. On coupe, on colle, on juxtapose, on crée un sens nouveau, pas toujours clair, mais qui sonne bien.

En pleine tempête "Black Lives Matter", Bob Dylan semble un brin décalé, hors du temps. Livrée en éclaireuse il y a quelques semaines, la chanson "Murder Most Foul" aborde les années Kennedy en presque dix-sept minutes.

L'actualité des violences policières

Format pop impossible? Elle aura été son premier numéro 1 du hit-parade américain. L’actualité? Tout juste a-t-il déclaré dans une unique conversation concédée au New York Times avoir été "malade" en découvrant les images de la mort de Georges Floyd tué par un policier à Minneapolis. Mais "Rough and Rowdy Ways" a été enregistré avant. Et de toute manière, pour ce qui est de la lutte anti-raciste et de la dénonciation des brutalités policières à l’encontre des Afro-Américains, Bob Dylan a déjà gravé son lot de chansons.

"The Death Of Emmet Till", dès 1962, dénonce une histoire d’ado noir tué parce qu’il avait sifflé une fille blanche quelque part dans le Sud. Puis dans les années 1970, il y a eu "George Jackson", en hommage au leader des Black Panthers tué en prison. Enfin surtout, "Hurricane", le brûlot, furieusement rock, sur la mort tout aussi scandaleuse d’un boxeur noir.

Qu’on pardonne dès lors à Dylan de ne pas en remettre une couche. L’histoire se répète hélas tant que ses anciennes chansons restent actuelles. "The Times They Are a-Changin'". Peut-être pas assez, hélas.

Thierry Sartoretti/mh

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