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Balance ton tube: "3andek Jora" de la chanteuse tunisienne Zaza Show

Capture d'écran du clip "3andek Jora" de la chanteuse tunisienne Zaza Show. [DR]
Balance ton tube / Vertigo / 4 min. / le 21 juillet 2020
Quels sont les tubes de l’année 2020 écoutés par les 2 millions d'étrangers qui vivent et font vivre notre pays? Durant l'été, découvrez les musiques des communautés qui vivent en Suisse. Aujourd'hui: "3andek Jora" de la chanteuse tunisienne Zaza Show.

"Dégage, tu portes la poisse!" Le ton est ferme, fier. Il ne tolère aucune contradiction. Avec sa tenue moulante d'occidentale (tout de même, jupe couvrant les genoux, pull à col roulé: on n'est pas chez Nicki Minaj!), elle affiche un sacré caractère, la Zaza Show.

Zaza Show? Vu d'ici, au Nord de la Méditerranée, le nom a un côté "Cage aux folles". En Tunisie, Zaza, c'est juste le diminutif de Zeineb Sawen, nom de baptême de cette chanteuse née à Ksar Said, un quartier populaire de la capitale Tunis. Zaza est une star des shows télé, une ambianceuse réputée dans les mariages. Ses propres noces, en 2016, ont été l'événement people au pays des Aigles de Carthage.

Zaza Show et les presque deux millions de vues sur Youtube pour son clip de printemps, c'est la revanche d'une musique à la réputation au mieux plouc, au pire sulfureuse: le mezoued.

La popularité du mezoued

Le mezoued, c'est LA musique populaire tunisienne. Celle qui ne passait jamais à la télévision sous l'ère Bourguiba, puis sous le joug de Ben Ali. Trop tapageuse, suintant la peau de chèvre des cornemuses et le mauvais vin des fêtes de quartier. La Tunisie officielle lui préférait une musique orientale d'inspiration classique ou calquée sur le modèle des grandes chanteuses du Levant.

Le mezoued a longtemps eu une aura semblable au blues du Sud: paroles directes, chantées en dialecte, parfois grossières ou canailles, liens avec les bas-fonds et répertoire quasi réservé au monde de la cassette audio quand les salons bourgeois écoutaient leur musique sur une belle chaîne hi-fi. Quant aux salles de concert, n'en parlons pas: le mezoued ne franchissait pas leurs portes.

Percussions très présentes et prenantes

Et puis, il y a eu Hédi Habbouba, l'Elvis du mezoued, dans les années 1970. Depuis, cette musique a lentement mais sûrement conquis sa place au soleil, à l'instar du raï du voisin algérien. On reconnaît le mezoued à ses percussions prenantes et très présentes: bendir, tabl et darbouka. Et puis, malgré les synthés, il y a toujours un biniou qui vient ponctuer le chant avec sa tonalité de vilain petit canard. Le mezoued, c'est toujours et encore la musique des bals popus, à l'aise à la ville comme à la campagne. Même si aujourd'hui, le rap est venu lui faire concurrence au coin des squares et sur les téléphones portables.

Le mezoued a traversé l'indépendance, la dictature et le printemps arabe en restant libre et tapageur. Comme le déclarait Salah Farzit, légende du genre et dur à cuire passé par la case prison: "Je suis très loin, retiré. Ni de gauche ni de droite. Ni opposant ni syndicaliste. Je suis nulle part. Mon parti, c'est le parti de l'art". Et Zaza Show peut, elle aussi, s'afficher dans les rues de la Medina de Tunis en femme indépendante. Et fière de l'être.

Thierry Sartoretti/ld

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