Compositrice, auteure et interprète, Joell Nicolas, alias Verveine, révèle une vraie personnalité vocale, son timbre est puissant, souvent dramatique, et convient aux tessitures sonores qu'elle propose sur "Hotdrama". Son univers s'avère inclassable, contrairement à bien des productions électroniques actuelles et au revival des années 1980 avec instruments analogiques.
Ses morceaux amples, parfois menaçants, dégagent une force sourde et profonde. Sa sphère sonore fait écho aux expérimentations de Björk autant qu'à celles des laborantins de l'electronica, la tendance la plus avant-gardiste des musiques électroniques. Verveine marrie ainsi une vraie maîtrise des codes de la pop avec une passion pour la recherche de sonorités insolites et émouvantes.
Après avoir vécu à Berlin et Bruxelles, celle qui se définit comme une glaneuse est de retour en Suisse romande pour défendre son premier véritable album. "J'ai fait un peu tout à l'envers. Il y a cinq ans, j'avais un projet qui rayonnait assez bien et moi j'ai eu besoin d'autre chose alors que l'industrie musicale demandait plutôt à battre le fer pendant qu'il est chaud", explique à la RTS Verveine à propos de sa longue éclipse discographique.
Besoin de temps pour explorer, aller plus en profondeur
"J'ai eu besoin d'aller creuser un peu ce qu'était mon ADN musical et d'avoir un travail abouti. Le succès de mes premières années correspond à un temps où j'étais très jeune et je n'avais pas l'impression d'avoir fourni mon maximum. J'avais besoin d'explorer, d'aller plus en profondeur donc. Et puis j'avais aussi besoin de gagner de l'argent, cette réalité des musiciens qu'on oublie trop souvent", poursuit la Veveysanne qui avait rapidement connu le feu des projecteurs en 2014 et 2015 grâce à son mini-album liminaire, "Peaks", et des passages scéniques remarqués aux Transmusicales de Rennes, au Printemps de Bourges et à Eurosonic notamment.
En quête cérébrale de sensations et viscérale d'émotions, Verveine propose ainsi des tensions transversales entre ces deux pôles sur ce "Hotdrama" qui établit des ponts entre constructions pop légères et lignes électro dramatiques. Voix et machines, harmonies et mélodies tissent ici une toile originale à la fois hospitalière et déstabilisante qui devrait à nouveau séduire au-delà des frontières helvétiques.
Interview: Michel Masserey
Adaptation web: Olivier Horner
CD: Verveine, "Hotdrama" (VRVN Records/FavArt Publishing).
En concert: Festival Label Suisse, Lausanne, vendredi 18 septembre, Place centrale, 23h.
Sélection de concerts attendus à Label Suisse
Vendredi 18
Le pianiste Cédric Pescia inaugure cette 9e édition de Label Suisse (Salle Paderewski, 18h30) avec un récital croisant Beethoven et John Cage. Le Traktorkestar qui a accompagné la dernière tournée de Stephan Eicher fait rugir les cuivres au côté de la chanteuse Erika Stucky (Docks, 20h). Camille Emaille et Julian Sartorius offrent un voyage improvisé de jazz percussif (BCV Concert Hall, 20h).
L'électro-pop mélancolique et volontiers analogique de La Colère impressionne aussi sur scène par sa maturité (D! Club, 20h30). Le rappeur Slimka (Makala) est toujours aussi explosif et irrésistible (Docks, 22h). La chanteuse Julie Hugo, ex-Solange la Frange, s'est adoucie et a troqué l'electro-clash pour une pop feutrée pleine de piano sous le nom de Your Fault (Salle Paderewski, 21h45).
Samedi 19
Le pianiste Nik Bärtsch s'entoure d'une dizaine de musiciens pour une création jazz-funk baptisée Groove Garden (Salle Padarewski, 17h). Le producteur Gaspard Sommer et la chanteuse Mélissa Bon font le grand écart entre R'n'B, jazz et pop (D! Club, 18h30). La chanteuse Giulia Dabalà, révélée au festival M4Music, fait étalage des sortilèges de sa voix polymorphe (Place Centrale, 19h).
Therminal C, une femme orchestre pour theremin et synthétiseurs répondant au nom de Coralie Ehinger, vernit son premier album stupéfiant (Eglise Saint-François, 20h). Le rock de The Animen ne s'épanouit jamais aussi sauvagement que sur scène (Salle Métropole, 21h). La chanteuse Camilla Sparksss active des atmosphères synthétiques sombres ensorcelantes (D! Club, 22h). L'emblématique trio de rock électronique The Young Gods confirme l'étendue de sa science supersonique (Salle Métropole, 23h).
Dimanche 20
Emilie Zoé et Christian Garcia-Gaucher proposent un ciné-concert où ils jouent une BO alternative du film "Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence" (Salle Paderewski, 16h). L'Orchestre de chambre de Lausanne interprète une symphonie de Beethoven à neuf musiciens, une rareté (Eglise Saint-François, 17h30). La chanteuse Phanee de Pool se produira quant à elle avec un orchestre de chambre parisien (Docks, 19h).
Elina Duni & Rob Luft duo proposent un voyage jazz entre Afrique de l'Ouest et Balkans (Eglise Saint-François, 19h30). Entre krautrock, afrobeat et latin jazz, le groove psychédélique de L'Eclair sidère (D! Club, 20h30). Le trompettiste Erik Truffaz se produit en quartet et invite sur son répertoire jazz aux lignes pop la chanteuse Andrina Bollinger (Docks, 21h). La rappeuse La Gale montre tout son tranchant punk (D! Club, 22h).