Révélée voilà quinze ans sur Internet par le sarcastique "Je veux te voir", au temps de ce My Space qui a propulsé tant d'autres formations, Yelle s'est assurément émancipée.
Si la chanteuse bretonne Julie Budet se trouve dans la lumière des projecteurs, Yelle ne serait pourtant rien sans son binôme, le producteur Jean-François Perrier, alias GrandMarnier. Avec qui elle a profité pour appliquer quelques traits de noirceur à son electro-pop colorée popularisée entre autres au côté de Fatal Bazooka avec le tube "Parle à ma main" (2007) via un clip perché à un 36e degré.
Deux niveaux de lectures le plus souvent
Pour son quatrième album, "L'ère du Verseau", qui rompt six ans de silence, le ton reste toutefois au burlesque et aux modulations acidulées. Du premier single "Je t'aime encore" en forme de déclaration de désamour à la France ("ça fait quinze ans que je te fais l'amour/Tu me regardes toujours pas") au surréaliste "Karaté" ("ton kimono est un pyjama") en passant par les explicites "J'veux un chien" et "Menu du jour" ou "Emancipense", Yelle injecte souvent deux niveaux de lecture dans ses chansons taillées pour les pistes de danse désormais à l'arrêt.
A propos de "Je t'aime encore", Yelle explique à la RTS que "ce morceau est vraiment un constat. C'est se rendre compte que notre relation avec la France est particulière, faite parfois d'incompréhension, parfois de retrouvailles. Dès le début de notre carrière, on a fait deux ou trois concerts en France puis on est tout de suite partis à l'étranger (...) Mais parfois on a eu l'impression, alors qu'on faisait de la pop française en français dans le texte, de ne pas avoir été beaucoup écouté par le public français. Mais ce n'est pas pour autant un morceau d'amertume (...) Comme on le fait parfois dans des relations amoureuses, de couple, on fait le bilan".
Soignant le fond et la forme, le répertoire de Yelle intégre aussi des influences tribales, caribéennes, synth-pop, house, traditionnelle bretonne à son électro-pop vitaminée qui se fait plus mélancolique et a déjà fait trois fois le bonheur du gigantesque festival Coachella en Californie.
La voix de Yelle s'avère également plus grave, moins haut perchée qu'habituellement, sur cet album qui multiplie les collaborations au fil de son manifeste de fausses naïvetés contenant même un zeste d'humanisme: "On espère que l'homme va revenir au coeur de la société dans des rapports d'égalité, plus humanistes, plus fraternels. Avec ce titre `L'ère du Verseau`, on imagine cela en tout cas".
Interview: Michel Masserey
Texte et adaptation web: Olivier Horner
Yelle, "L'ère du Verseau" (Recreation Center).