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Un film retrace l'histoire de la techno à travers le DJ Laurent Garnier

Le DJ français Laurent Garnier, ici au festival "I Love Techno" à Gand, en Belgique, le 9 novembre 2013. [AFP - JONAS ROOSENS/BELGA MAG]
Le DJ français Laurent Garnier, ici au festival "I Love Techno" à Gand, en Belgique, le 9 novembre 2013. - [AFP - JONAS ROOSENS/BELGA MAG]
Pour son premier documentaire, "Laurent Garnier off the record", le réalisateur Gabin Rivoire a suivi l'éminent DJ durant trois ans, de Manchester à Tokyo via Détroit ou Barcelone. Il parvient à entremêler habilement l'histoire du pionnier français et l'odyssée de la techno.

Laurent Garnier s'était raconté une première fois en 2003 dans "Electrochoc" (Flammarion), un ouvrage signé par le journaliste David Brun-Lambert qui continue de faire référence et a été réédité depuis. Le documentaire du jeune réalisateur Gabin Rivoire s'abreuve abondamment à ce livre de souvenirs qui entremêle l'histoire du DJ français pionnier et l'odyssée de la techno.

Le prisme du parcours de Laurent Garnier inspire cette fois habilement la restitution audiovisuelle de l'essence de la musique électronique, des ghettos noirs-américains au début des années 1980 à l'explosion mondiale du genre à l'orée des années 2000, en passant par des lieux mythiques comme l'Hacienda de Manchester, les clubs parisiens écumés par Garnier, les raves plus ou moins sauvages et les Street Parades.

De l'hôtellerie aux clubs internationaux

En une heure et demie parsemées de passionnantes archives inédites, le film dessine les contours et soubresauts du mouvement électro. En s'appuyant sur les interviews de Garnier et des acteurs principaux de cette dernière grande aventure musicale du XXe siècle (Carl Cox, Jeff Mills, Derrick May, Pedro Winter, Manu le Malin, Miss Kittin, Richie Hawtin ou The Black Madonna), on en saisit aussi la portée éminemment culturelle et politique. Quand par exemple la techno de Détroit devient la bande son de la réunification allemande ou qu'elle suscite la crainte des politiques quand elle se fait trop sauvage ou trop associée à la drogue pour certains gouvernements qui répriment et diabolisent les free parties impromptues.

"Laurent Garnier off the record" est ainsi le fruit de trois ans de collaboration entre le réalisateur et l'éminent DJ, qui a d'abord suivi une école hôtelière et a été jeune majordome à l'ambassade de France à Londres où il a éclusé le stock de vins, avant d'exclusivement servir la cause musicale. Dans le sillage de sa tournée internationale entre 2017 et 2019, de New York à Tokyo via Barcelone, Détroit ou Chicago, on remonte le fil historique d'une aventure sans précédent à laquelle il a pris part à chaque étape.

Comme en France, où sa musique a été violemment stigmatisée dans les années 1990 par les politiques pour dire qu'elle était nocive et allait rendre les enfants sourds...Heureusement qu'à la fin de la décennie passent soudain par là la Techno Parade parisienne et l'énorme succès commercial  du "Flat Beat" de Mr Oizo notamment, avant la déferlante Cassius, Daft Punk ou Air pour mettre presque tout le monde d'accord et extirper définitivement l'électro de la marge. "En France, on a vraiment gagné une grande bataille au moment de la Techno Parade à Paris", résume Laurent Garnier à l'égard de son intense combat pour la reconnaissance des musiques électroniques qui ont désormais investi les temples institutionnels.

Portrait intime et humain

"Pourquoi est-ce que j’aime autant la house et la techno? J’ai toujours été un grand fan de musique, j’ai aimé le punk, le rock, le reggae, la soul, la disco, et la house et la techno regroupent l’essence de tous ces genres musicaux. C’est la musique que j’attendais", explique Garnier sur fond de "La belle vie" de Sacha Distel en ouverture de ce film qui réussit lui aussi une belle synthèse en ne se construisant jamais à la gloire de ce DJ qui "est à l'opposé d'une rock star".

"Off de records" montre surtout Garnier dans son intimité, avec ses angoisses encore après trente-cinq ans de pratique avant de monter sur scène, avec ses éternels doutes, en pédagogue attentif et avisé avec des élèves d'un collège français en train de monter une exposition sur la musique, en homme affable et plein d'auto-dérision, en réflexion pour un prochain déménagement en Provence où la question cruciale se résume au déplacement de sa collection de 55'000 disques évaluée pour l'architecte d'intérieur en mètres linéaires par genre musical.

Aujourd'hui, Laurent Garnier continue d'être un passeur et de faire grandir les musiques électroniques, écoutant chaque jour son lot de nouveautés musicales, conseillant programmateurs de festivals et DJ's. Un mec bien en somme, que le succès n'a pas détourné de sa prime passion.

Olivier Horner

Article publié le 23 octobre 2020, actualisé le 9 août 2021.

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