Une étourdissante liste d'invités de marque, des visuels conceptuels toujours aussi colorés signés Jamie Hewlett, Gorillaz a vu grand pour son retour discographique. Amorcé par le chanteur de The Cure, Robert Smith, qui a été envoyé début septembre en éclaireur interstellaire dans un duo au sommet sur le single "Strange Timez" qui résonne avec cette année troublée par le coronavirus, "Song Machine" a toutefois de la peine à tenir la distance et ses promesses.
Au générique du septième album pop de ce projet originellement virtuel mis sur orbite par Hewlett et le chanteur de Blur, Damon Albarn, figurent aussi Beck, Elton John, Peter Hook (ex-bassiste de Joy Division et New Order), le défunt Tony Allen avec lequel il a formé le supergroupe The Good, The Bad and The Queen, Fatoumata Diawara qui a assuré les choeurs de son récent opéra "Le vol du Boli", Joan As Police Woman et des rappeurs comme Skepta et 6lack. Histoire de projeter un peu plus Gorillaz dans la sphère de la superproduction ambitieuse, à défaut de se révéler systématiquement passionnante.
Indéniables réussites et morceaux inoffensifs
Cette débauche d'invités vocaux ampute hélas cet album touffu et tout feu tout flamme d'une réelle cohérence esthétique. Si ce n'est pas l'effet recherché par un boulimique de musiques tel qu'Albarn, l'ensemble distillé sur les réseaux sociaux par épisode mensuel peut aisément dérouter par la variété des timbres et des ambiances où se bousculent hip-hop et voix vocodées, pop et trip-hop, électro et sonorités africaines, soul et disco, pop mélodique et saccades dub.
Cet éclectisme rythmique auquel la formation de cartoon nous a habitués en multipliant depuis vingt ans les collaborations prend cette fois la forme de dix-sept morceaux dans la version deluxe de l'album. Si d'indéniables réussites apparaissent ça et là (de l'inaugural "Strange Timez" à "The Pink Phantom" avec sir Elton et 6lack via le funky "The Valley of the Pagans" avec Beck, "The Lost Chord" avec Lee John, "Désolé" avec Fatoumata Diawara et "Chalk Tablet Tower" avec St. Vincent), le reste du répertoire ronronne quelque peu malgré les hybridations stylistiques et les productions léchées. Les morceaux atmosphériques et les velléités plus hip-hop de Gorillaz ne parviennent ainsi pas à captiver et font au mieux figure d'inoffensif tapis sonore.
Olivier Horner
Gorillaz, "Song Machine, Season One: Strange Timez" (Parlophone).