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Rétrospective: les meilleurs albums pop-rock de l'année 2020

La chanteuse américaine Fiona Apple sur scène à Inglewood, en Californie, le 16 janvier 2019. [AFP - KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images]
La chanteuse américaine Fiona Apple sur scène à Inglewood, en Californie, le 16 janvier 2019. - [AFP - KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images]
Les journalistes et spécialistes des musiques actuelles Michel Masserey et Olivier Horner ont sélectionné dix albums pop, rock et chanson qui ont rythmé l'année écoulée et les ont marqués.

Les choix de Michel Masserey

Fiona Apple, "Fetch The Bolt Cutters” (Epic)

Sans doute l'album le plus marquant de l'année 2020. Oeuvre de lutte, de résistance, mais aussi de confinement, "Fetch The Bolt Cutters" a été composé principalement à la maison, avec des instruments classiques, mais aussi des objets du quotidien. Ce n'est pas de la pop, du rock, du hip-hop ou du blues, c'est totalement hors cadre. Fiona Apple propose un univers entre litanie, exorcisme musical, complainte, voire manifeste. Avec cet album, la chanteuse américaine tutoie clairement les femmes qui l'on inspirée, de Joni Mitchell à Patti Smith.

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Fontaines D.C., "A Hero's Death" (Partisan Records)

Avec ses comparses anglais Idles, les Irlandais Fontaines D.C. ont contribué à réveiller le rock outre-Manche. Sèche et hypnotique, la musique puise ses racines dans le post punk, pour son engagement politique, son efficacité mélodique et ses litanies lancinantes. Si "A Hero's Death" est un album bien ancré dans l'époque sombre et menaçante, il frappe par son urgence, sa vitalité brute et la qualité de ses compositions.

Jeans For Jesus, "19xx_2xxx" (Universal Music)

Les Bernois projettent la pop chantée en dialecte dans une autre dimension. Jusqu'alors, elle ne valait que pour ses textes, mais restait musicalement très pauvre et peu aventureuse. Avec Jeans For Jesus, la mundart pop devient cool, maline, pointue. Jeans For Jesus pilote tout de A à Z, de l’écriture à la production. Les textes sont très inscrits dans l'époque, il parle des problèmes de la génération des millennials: omniprésence des réseaux, culte de l'image, fluidité sexuelle. Et cela en parvenant tant à faire danser qu'à satisfaire le goût pour l'expérimentation sonore.

Perfume Genius, "Set My Heart On Fire Immediately" (Matador)

Mike Hadreas, alias Perfume Genius, est un génie de la pop. Ce qui frappe chez cet artiste, c'est son univers musical inclassable, entre cabaret, pop et rock indépendant. Sur cet album, Perfume Genius ouvre les vannes: on l'entend chanter, gémir, murmurer, prier. Sur le plan des textes, c'est un album de mise à nu. Et sur le plan musical, c'est peut-être le plus accessible de sa discographie: Perfume Genius intègre dans sa pop très sophistiquée des éléments emblématiques de la culture musicale américaine tout en les projetant dans le futur.

Régis, "L'enfer c'est nous" (Cheptel Records)

Après le succès d'estime de son premier album et son mini-tube "Marche", le Genevois Régis a bazardé son groupe, remplacé les instruments traditionnels par des machines pilotées en solo. Une manière pour lui de tout contrôler et de plus expérimenter. "L'enfer c'est nous" est un album dense et varié qui parle beaucoup de l'auteur mais aussi de l'époque. Régis a beau chanter la "Fin du monde", il le fait sur un rythme dansant, nous projetant dans une atmosphère musicale qui rappelle la bande-son du film culte "Drive".

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La sélection de Olivier Horner

Benjamin Biolay, "Grand Prix"  (Polydor)

Neuvième album du chanteur français en près de vingt ans, "Grand Prix" file la métaphore automobile pour un répertoire pop-rock fonçant à un rythme effréné, mélodies claires et obsessions existentielles au vent. Agrémentées de cordes et d'invités choisis (Keren Ann, Anaïs Demoustier, Chiara Mastroianni), les treize nouvelles chansons de Benjamin Biolay battent le pavillon de la fougue rock classieuse d'outre-Manche sans pâlir. Et à ce jeu-là, "Comment est ta peine?" se hisse aisément sur le podium des titres francophones de l'année.

Dominique A, "Vie étrange" (Cinq7)

Dans son treizième album en forme de parenthèse et de carnet de bord musical du confinement, le chanteur français Dominique A parvient à embellir les incertitudes liées à cette période morose dominée par la crise sanitaire. Une délicate "Vie étrange". Bricolée sur sa boîte à rythmes et de petits synthétiseurs, cette parenthèse électro-pop minimaliste de Dominique A s'avère d'une magnifique sensibilité et élégance.

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The Flaming Lips, "American Head" (Bella Union)

Seizième album en trente-sept ans de carrière, "American Head" voit la formation d'Oklahoma City revenir en pleine forme en plongeant nostalgiquement dans son passé. Si The Flaming Lips s'est parfois perdu en chemin dans les dédales de son psychédélisme, il déroule ici de splendides morceaux pop rêveurs, aussi mélodiques que mélancoliques. La lenteur du tempo, la fragilité du chant de Wayne Coyne, les paradis perdus autant qu'artificiels de l'adolescence évoqués ici contribuent à donner un éclat particulièrement touchant à ces treize nouvelles chansons.

Idles, "Ultra Mono" (Partisan Records)

"Ultra Mono", troisième album de rock rageur, fiévreux, martial et contestataire des Anglais de Idles réactualise le No Future punk avec des beats hip-hop puissants. Trois ans après son premier brulôt, "Brutalism", le quintet de Bristol n'a rien perdu de sa fougue punk-rock lettrée et souligne en enregistrant dans les conditions du live toute l'explosivité et l'urgence diaboliques de son répertoire truffés de slogans saillants et de rythmiques âpres et martiales.

>> A lire : L'urgence punk-rock des Idles prend des airs de machine de guerre

Sophie Hunger, "Halluzinationen" (Carolina International)

En dix titres aussi contraignants qu'élégants, la chanteuse alémanique évoque son environnement en faisant le portrait d'une prostituée arpentant le bitume en bas de chez elle ou celui d'un bar proche. Une chanson qui introduit ce septième enregistrement vibrant et exploratoire qui ressemble au voyage hallucinatoire intérieure de Sophie Hunger. En équilibre entre sa réalité et son imaginaire, elle thématise brillamment ses questionnements entre plages pop nerveuses, plages mélancoliques mid-tempo ou ballades intimistes.

>> A lire : Sophie Hunger s'épanouit entre réalité et imaginaire sur "Halluzinationen"

Working Men's Club, "Working Men's Club" (Heavenly Recordings)

C'est l'outsider de l'année rapidement consacré. Quartet du nord de l'Angleterre n'affichant même pas vingt ans de moyenne d'âge, Working Men's Club se faufile dans l'héritage post-punk et dance avec un insolent talent sur son premier album éponyme. Habitée d'une conscience sociale tout comme ses aînés de Idles, la formation emmenée par le chanteur Sydney Minsky-Sargeant fustige le racisme et la classe gouvernante dans un même élan captivant et hypnotique télescopant machines et guitares, romantisme et hédonisme, gravité et légèreté.

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