"Oh! Pardon tu dormais..." est le fruit de la rencontre entre Jane Birkin, Etienne Daho et Jean-Louis Piérot (Les Valentins, Bashung, Daho, Miossec ou Thiéfaine). Il aura fallu douze ans à la chanteuse et actrice pour revenir avec des textes originaux et assumer à nouveau de dévoiler sa part intime, comme elle l'avait déjà fait sur "Baby Alone in Babylone" en 1983.
"Etienne Daho m'a accouchée d'une ancienne douleur d'être, me sauvant de la mélancolie, de l'inertie. Nous nous sommes tout donné, tout pris et je reste stupéfaite et sonnée par ce travail à trois. Nous sommes les parents de cette chose... et cela m'émeut", indique Jane Birkin dans la note biographique de cet album inspiré en partie du film et de la pièce de théâtre qu'elle a écrit sur le thème de la rupture voilà plus de vingt ans.
Après avoir coaché l'entrée en chanson de Charlotte Gainsbourg et réalisé le premier album de son autre fille Lou Doillon, l'éternel dandy de la pop française propose à Jane Birkin de réaliser une version musicale de "Oh! Pardon tu dormais..." et offre un brillant et touchant écrin à leur mère trop souvent réduite au rôle de muse et compagne de Gainsbourg.
"C'est tellement personnel ce disque. Ça dépeint une personne pas très facile, probablement pas très séduisante. Mais j'étais plus attirée par les côtés mauvais, les choses que vous voulez gommer chez les autres: la jalousie féroce, la violence extrême, le côté mauvais coucheur", confiait récemment à l'AFF celle qui a déjà publié deux tomes de son journal intime.
Sincère mise à nu
A tout juste 74 ans, avec son allure d'éternelle jeune fille des sixties et son petit accent so british, Jane Birkin se glisse gracilement dans les arrangements cinématographiques aussi feutrés que luxuriants concoctés par Daho et Piérot qui ont sans doute songé aux climats du répertoire du premier époux de la frêle Anglaise, John Barry.
Elle évoque le déclin et les métamorphoses de l'amour, l'horloge implacable de l'âge, la jalousie passionnelle ou la mort de sa troisième fille, la photographe Kate Barry, dans les poignants "Cigarettes" ("Ma fille s'est foutue en l'air"), "Ces murs épais" ("Moi dehors, toi dessous, cri muet, muet") et "Catch Me if You Can", épilogue en forme d'ultimes souvenirs chantés. Une disparition qui plane d'autant plus sur ce disque puisqu'il a été publié un 11 décembre, sept ans après son décès.
Mais les exorcisations actuelles de cette Birkin qui avait déjà eu tant de mal à s'affranchir de la mémoire et des mots de "l'homme à la tête de chou" ne s'effectuent pas toujours sur un mode grave. Elle ose aussi la légèreté, histoire de ne pas plomber complètement l'atmosphère, comme sur le nostalgique "Les jeux interdits" qui parle des enfantillages de ses filles. La chanteuse anglaise conserve d'ailleurs aussi quelques-unes de ses fautes de français, ajoutant indéniablement aux sortilèges de sa sincère mise à nu.
Olivier Horner
Jane Birkin, "Oh! Pardon tu dormais..." ( Kachalou/Barclay).