Elle a vu double pour son quatrième album. A 28 ans, Camélia Jordana propose vingt nouveaux titres réunis sous le nom de "facile x fragile". Elle y fait le lien entre pop et électro-acoustique, les deux univers dans lesquels elle se promène depuis ses débuts plein de raucité vocale voilà douze ans à l'enseigne du crochet télévisuel "La Nouvelle Star". Et s'offre côté pile un disque pop très produit avec de nombreuses sonorités africaines, côté face un répertoire plus intimiste, spontané et profond avec trois incursions en anglais.
La chanteuse et actrice française, qui a récemment fait parler d'elle en dénonçant les violences policières et le patriarcat, y décortique aussi la nature des relations hommes-femmes et revendique à la fois son féminisme et sa sensibilité dans un album moins expérimental que "LOST" voilà trois ans.
Ambivalence en forme d'autoportrait
Alors qu'elle se montre combattive dans "Femmes" en chantant "Mesdames, prenons les armes!", elle se fait timide sur "Facile" où elle confesse, "si tu savais comme ça me coûte, de ne pas te montrer mes doutes/ J'en appelle à ma sagesse, SOS", voire pleine de tendresse pour l'autre genre sur "Les garçons" et "Si j'étais un homme" qui amorce la belle profondeur de champ textuelle du second volet de l'album.
Camélia Jordana décline en tout cas son ambivalence à l'envi au fil de son diptyque discographique qui pourrait avoir valeur d'autoportrait d'une jeune femme de son temps aux identités multiples. Curieusement, aucune autre femme ne vient donner de la voix à ses côtés, alors que deux duos plus r'n'b et peu convaincants avec Dadjou et Soolking figurent au générique de "facile x fragile".
Nominée aux Victoires de la Musique pour la meilleure chanson originale avec "Facile" après avoir remporté un trophée pour "LOST", celle qui a fait la une de L'Obs en Marianne se raconte entre introspections et coups de sang. Comme lorsqu'elle évoque par exemple la crise des migrants sur "SOS Méditerranée".
Seconde partie plus convaincante
La Française qui avait entonné "Le chant des partisans" au Panthéon et Brel aux Invalides pour l'hommage national aux victimes des attentats du 13 novembre se montre nettement plus convaincante, vocalement comme sur le plan des textes et musiques, sur la seconde partie de l'album. De "Nata Lova" façon Amadou & Mariam à "Si on s'aimait tout.e.s" sur la différence et la tolérance via "Seul", "Reste en vie" et trois titres anglophiles, Camélia Jordana parvient enfin à déployer ses sortilèges passés. Sans artifices ni affèteries.
Olivier Horner
Camélia Jordana, "facile x fragile" (Dhaouw Prod/Play Two).