Il y a vingt ans, Daft Punk caressait les étoiles avec "Discovery"
>> Deux casques, une production folle, un "french accent" à se damner. Pas besoin d'en dire plus pour reconnaître Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter sous les traits de Daft Punk.
>> En 2001, le duo quitte la house de Chicago et vise les étoiles, mais façon dessin animé japonais pour "Discovery", son deuxième disque.
>> Alors que le tandem de musique électronique vient d'annoncer sa séparation après vingt-huit ans d'existence, retour sur un album-concept devenu culte qui n'a laissé personne indifférent.
Une proposition d'Ellen Ichters pour l'émission "Spectrum" de Couleur3.
Adaptation web: Sébastien Blance
"One More Time" en guise d'apéro
De la house music à l'électro-pop
Le 13 novembre 2000, après trois ans d’une attente insupportable pour les fans de Daft Punk, le duo réapparait enfin avec un titre, "One More Time", qui annonce leur deuxième album "Discovery".
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Depuis 1997 et leur album "Homework", Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter représentent le savoir-faire musical électronique à la française. Ils sont à eux deux le sommet de ce qui est appelé à l’étranger et particulièrement en Angleterre la French Touch.
Mais en 2000, cette touche française est une appellation d’origine non contrôlée un peu fourre-tout qui s’est déjà passablement essoufflée. Guy-Manuel et Thomas s’affairent chacun de leur côté. Thomas Bangalter s’est notamment associé à Alan Braxe et Benjamin Diamond pour fonder Stardust, projet du seul titre "Music Sounds Better With You".
En 1998, les Daft produisent un titre, très house disco, qu’ils laissent de côté pour l’heure. Ils ont contacté Romanthony pour les voix. Le producteur, DJ et chanteur américain leur propose "One More Time", un titre qui parle de faire l’amour dans un mode langoureux qui rappelle Prince.
Le duo va faire sur cette démo ce qu’il sait le mieux faire: le "daftpunkiser". Il sélectionne un extrait des voix de Romanthony, le passe dans un auto-tune aux réglages poussés à l’extrême. Le résultat sort officiellement le 13 novembre 2000 en guise de tout premier single du prochain album, "Discovery".
Le public est divisé – il adore ou il déteste - mais personne n’ignore que Daft Punk est encore une fois le groupe par qui la touche française va se répandre sur le globe.
Des gosses devenus des robots
L.A., terre d'accueil pour bêtes de communication
Avec "Discovery", leur deuxième album, Daft Punk cesse d’être un duo de gosses réunis par leur amour de la house de Chicago. Depuis le 9 septembre 1999, ils sont devenus des robots, et décident de devenir des bêtes de communication.
Le 9.9.99 à 9h09, le sampler sur lequel ils travaillent explose. Blessés, Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter ont recours à la chirurgie. C'est ainsi qu'ils deviennent des robots. Voilà pour la légende.
En novembre 2000, Daft Punk donne une interview au magazine The Face dans une villa des années 1950 de Los Angeles louée spécialement pour la promo de l'album. La Cité dans Anges a notamment été choisie car c'est là qu'opère Tony Garner, le designer en effets spéciaux d'Hollywood qui a conçu les casques et les gants des nouveaux robots.
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Pour la promotion, un énorme mobile home a été loué et plusieurs spots ont été repérés pour chaque titre de "Discovery" qui donnera lieu à un shooting photo différent. Le groupe voit grand: il veut sortir les quatorze titres de l'album en single. Il n’y en aura finalement que six.
Désormais déshumanisés, les Daft ne parlent que pour les interviews écrites. Pour les entretiens filmés, ils feront défiler les réponses sur l’écran de leur casque. Grâce à leur transformation en robots, Guy-Man et Thomas réussissent un tour de force: contrôler et figer leur image, préserver leur vie privée et gommer leur accent français pour rayonner à l'international.
Un concept-album de souvenirs d'enfance
Un film-clip façon "Albator"
Un groupe de musique à la peau bleue, un producteur diabolique, une poursuite à travers les étoiles… Avec "Discovery", Daft Punk vise les étoiles, mais façon animé japonais.
Une des clés secrètes du succès de "Discovery" est la volonté du duo de refléter les souvenirs de leur enfance. Cet âge d'or où la musique n'est ni jugée, ni analysée, mais se reçoit avec joie et innocence. Pour y parvenir, ils décident de travailler plus spécifiquement sur les mélodies. Mais pour que l’expérience soit complète, il faut que "Discovery" soit un album-concept et un de ses atouts majeurs sera dans le visuel.
Très tôt dans la production de l'album, le duo contacte son héros, le Japonais Leiji Matsumoto, père de l’animé et du manga "Albator", le corsaire de l’espace. Il lui demande d'imaginer un scénario dont "Discovery" serait la bande originale. Le dessinateur pose les bases d’une histoire: un groupe de musique extra-terrestre à la peau bleue, un jeune aventurier amoureux de la chanteuse, un producteur diabolique qui utilise les groupes pour dominer la planète.
"Interstella 5555" sort en 2003 sur les écrans et propose l’entier de "Discovery" dans un animé franco-japonais qui sert de support visuel à l’album. A moins que ce ne soit l’album qui serve de support sonore au visuel…
Des samples pour colonne vertébrale
40 idées en 3 minutes
Avec "Discovery", Daft Punk s'éloigne des longs formats répétitifs et propose un album fourmillant d’idées qui jouent avec les samples. Certains sont empruntés à d’autres, mais beaucoup sont construits de toutes pièces, puis malaxés, reconstruits et ainsi de suite.
Dans une interview de 2001, Daft Punk raconte: "faire des titres de dix minutes, c’est un truc qu’on a beaucoup exploré. Là, on voulait faire des titres de 3 minutes avec 40 idées différentes à chaque fois". Dans "Discovery", le duo a carrément poussé le curseur du sample au maximum.
Cette nouvelle ligne est inspirée par un seul titre, sorti en 1999: "Windowlicker" de l’Anglais Aphex Twin. Ce morceau totalement inclassable est un petit chef-d’œuvre en matière de découpage électronique. Pour Daft Punk, il est hors norme car ni taillé pour les clubs ni pour chiller sur une terrasse d'Ibiza. Le graal se trouve là, au beau milieu de ces deux extrêmes. Le nouveau voyage musical du duo va se faire exactement dans ce territoire.
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Comme l’avait fait Aphex Twin, Guy-Man et Thomas vont utiliser les samples non pas comme base, mais comme matériau de départ pour composer de nouveaux titres. Comme si un peintre utilisait juste un petit bout du coin de la bouche de "La Joconde" pour peindre une fresque entière.
L’échantillonnage étant au centre de "Discovery", il devient l’album ultime des chasseuses et chasseurs de samples. Et de ce côté-là, il y a du boulot. D'abord beaucoup de samples sont tout simplement introuvables car créés de toutes pièces. Ensuite, le plus souvent, les musiciens découpent, accélèrent ou ralentissent les échantillons utilisés au point de les rendre quasi indétectables.
Mais il en faut plus pour désarçonner les ultra-connaisseurs qui sont parvenus à déceler une utilisation non-créditée de "More Spell On You" d'Eddie Jones sur "One More Time". De quoi démontrer que malgré leur transformation en robots, les Daft Punk restent des humains après tout.
"Daft Punk Unchained"
Un film pour résumer l'histoire de Daft Punk
"Daft Punk Unchained" est le dernier documentaire en date sur Daft Punk sorti en 2015.
A l’heure de la mondialisation et de l’explosion des réseaux sociaux, le duo a toujours refusé d’afficher son vrai visage et a orchestré avec précision chacune de ses apparitions en robots.
Le film raconte la quête d’indépendance de deux créateurs à contre-courant de notre société du paraître.