Une voix boisée, parsemée de quelques notes au piano s'estompant dans un vent de cymbales et de souffles de trompette. "Lulea's Sunset", le dernier des onze titres de l'album "Try!" s'ouvre sur de vastes espaces tracés par le son. Ce deuxième album du quartet d'Airelle Besson est né entre les deux confinements. Son écoute nous projette à mille lieues de cette période hivernale "particulière".
En s'interrogeant sur le principe actif de ce puissant remède anti-stress, on se surprend à ralentir notre respiration, la calant sur la trompette d'Airelle Besson, la voix d'Isabel Sörling, le piano de Benjamin Moussay et la batterie de Fabrice Moreau. Une méditation active, en quelque sorte, qui n'est pas sans rapport avec la réflexion des quatre interprètes sur l'espace et le souffle, comme le précise Airelle Besson: "Fabrice Moreau aime dire que notre musique, on la respire et on la vit ensemble à quatre." De ce souffle commun naît le son unique de l'ensemble où les voix de la trompette et du chant s'entrelacent au point de brouiller les origines instrumentales.
Proche de la technique vocale
"Je me sens comme une chanteuse, quand je joue, dit Airelle Besson. La gestion de la colonne d'air, du diaphragme et toute la maîtrise de souffle s'apparentent à la technique vocale." C'est certainement là que se trouve l'origine du son aussi singulier de la trompettiste qui aime s'éloigner des timbres éclatants et incisifs de son instrument pour explorer d'autres registres sonores, à la manière d'une vocaliste.
La formation d'Airelle Besson passe à travers un double cursus classique et jazz en trompette auquel s'ajoute l'apprentissage du violon. Lauréate en 2015 des prix Django-Reinhardt de l’Académie du jazz et des Victoires du Jazz dans la catégorie "Révélation instrumentale française de l’année", elle joue aux côtés des grandes figures du jazz internationales dont Manu Katché, Rhoda Scott, Youn Sun Nah. Sans oublier une incursion pop auprès du groupe britannique Metronomy pour lequel elle signe les arrangements des cuivres sur "Love Letters". On la retrouve dans des dialogues poétiques avec le guitariste Nelson Veras sur l'album "Prélude" et sur les mélodies syncopées du merveilleux Quarteto Gardel où sa trompette se pare d'un voile nostalgique.
Enchaîner les concerts
Riche de ces collaborations, Airelle Besson forme en 2014 son quartet avec lequel elle explore de nouveaux espaces sonores. Lors des deux années qui suivent la sortie, en 2016, de son premier album "Radio One", le quartet enchaîne concerts et tournées. Mais après la naissance de sa fille, Airelle Besson s'arrête de jouer durant une année; une pause qui n'est pas sans conséquences sur la relation à son instrument. "Quand j'ai dû me remettre 'en selle', je ne savais plus trop comment recommencer. Un mois et demi avant un concert qu'on devait donner avec le quartet à la Philharmonie de Paris [en juin 2019], j'ai appelé le trompettiste Pierre Gillet, et j'ai suivi avec lui un entraînement draconien, comme une sportive, pour me réapproprier mon instrument."
En ramenant la discussion sur "Try!", Airelle Besson explique la signification de ce titre: "Avec la crise sanitaire, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Avant l'enregistrement, en août 2020, on a eu peu de répétitions... On est entrés en studio sans connaître très bien les morceaux. Mais en même temps, on avait tellement envie de jouer qu'on s'est dit 'allez, on y va'. 'Try!' avec un point d'exclamation, c'était l'état d'esprit dans lequel on était à ce moment-là: essayons, et on verra ce qui vient."
Anya Leveillé/mh
"Try!", Airelle Besson (trompette), Isabel Sörling (chant), Benjamin Moussay (piano), Fabrice Moreau (batterie). Papillon Jaune/L’Autre Distribution.