Lorsqu’Eddy de Pretto a débarqué en 2017, le mix de rap et de chanson était déjà pratiqué, tant par Doc Gyneco que Booba ou Maître Gims. Mais le jeune chanteur s’est distingué des autres adeptes du genre en associant la chanson réaliste (de Fréhel à Brel) et les musiques urbaines. Son allure étrange, à la fois monacale et banlieusarde, et sa voix puissamment revendicatrice ont fait le reste.
Dès ses premiers titres, l’effet a été immédiat. L’album "Cure", sorti en 2018, le propulse porte-parole d’une nouvelle génération affranchie des codes. Avec ce nouvel album intitulé "A tous les bâtards", Eddy de Pretto veut enfoncer le clou. Il continue de dénoncer ce qui le blesse dans la société actuelle. Cela va du racisme au refus d’accepter la différence.
"Ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe dans l’intime, dans le ressenti personnel, des nouvelles expériences qui pourraient faire écho à d’autres personnes", confie le chanteur français à la RTS. Mais, cette fois, il le fait en recourant à d’autres modes musicaux. Il chante beaucoup plus qu’il ne tchatche ou qu’il ne rappe et ses productions sont plus organiques et classiques qu’urbaines.
"Le verbe prime, la musicalité suit et sert le mot"
Eddy de Pretto s’est entouré de plusieurs professionnels renommés dont Tanguy Destable, alias Tepr, producteur renommé qui a collaboré avec Yelle et plus récemment Woodkid. Ensemble, ils ont conçu un habillage sonore plus rond. "C’est votre avis. Ce qui est certain, c’est que j’ai eu l’envie de me challenger vocalement, musicalement. De ce fait, j’ai tenté des choses que je n’aurais jamais osées sur mon premier album".
La voix est mise en avant, plus encore que par le passé. Les tempi sont plus lents, un choix de production qui est venu naturellement. Une manière de privilégier le texte et de frapper le plus fort possible. "J’ai toujours été minimal dans ma production. Le verbe prime, la musicalité suit et sert le mot." Reste que l’univers musical de ce nouvel album s’avère finalement un peu plat. On sent peu de prise de risques, peu d’expérimentation. Si Eddy de Pretto avoue une passion pour des artistes comme Frank Ocean, cela s’entend peu sur cet album qui flirte trop souvent avec la variété.
Pourtant, Eddy de Pretto a pris son temps entre ses deux albums. Un pari quand on sait qu’un artiste se doit d’occuper constamment l’espace des médias et surtout des réseaux sociaux de peur de disparaître. La perspective de se remettre à l’ouvrage a nourri chez lui un sentiment d’angoisse: "J’avais vraiment le souci d’aller plus loin et plus haut avec ce nouvel album. Mais une fois lancé dans l’écriture, cela s’est apaisé au fil des chansons".
La plupart des chansons d’Eddy de Pretto sont écrites à la première personne. Il avoue aimer proposer un point de vue, selon lui inédit: "à savoir, le discours d’un jeune homme pédé blanc qui pose un regard sur une société qui bouge. Toute la matière vient de moi. L’idée que cela puisse ensuite toucher certaines personnes et bousculer d’autres, c’est tant mieux, c’est bingo".
Un concours pour la réalisation de sa pochette
Depuis la sortie de son album "Cure", beaucoup de choses se sont passées sur le plan social. Les mouvements #MeToo et Black Lives Matter ont secoué la société occidentale tout comme les réflexions sur le genre. De nombreux artistes se sont emparés de ces thèmes. A cet égard, Eddy de Pretto a joué sans doute un rôle de précurseur dans le panorama de la pop française. "Il faut que ces discours soient plus entendus, qu’ils soient les plus pluriels possibles. La diversité doit être mise en avant, c’est important pour les jeunes mais aussi pour toutes les générations".
Pour la pochette de son nouvel album, Eddy de Pretto a eu recours au fanart, à savoir des dessins de fans. Il a lancé un concours via Twitter et Instagram. La lauréate, une jeune Suissesse, lui a envoyé un dessin en noir et blanc plutôt sombre qu’il a éclairé en optant pour un fond de couleur jaune pétant. "Quoi de mieux que d’être représenté par vos fans lorsqu’on livre son album. Je n’avais pas envie de me montrer tout brillant, trop bling bling. Je voulais un dessin radical et direct".
Michel Masserey/sb
Eddy de Pretto, "A tous les bâtards" (Universal Music).