Avec l'arrivée de la pandémie, la mise en veilleuse des activités culturelles a tari l'inspiration de bien des artistes. Par bonheur, elle n'a pas longtemps déstabilisé Erwan Castex, alias Rone.
A peine le confinement annoncé, le musicien français a rebondi. Une souplesse qui ne surprendra pas tous ceux qui suivent le parcours de Rone. Le producteur ne cesse de multiplier les expériences. Il a remixé Etienne Daho, a travaillé sur deux albums du groupe de rock américain The National. Plus récemment, il a collaboré avec la compagnie de danse La Horde et le Ballet National de Marseille pour le spectacle "Room With a View", qui a abouti à un album sorti l'an passé. Cette création présentée au printemps dernier au théâtre du Châtelet, à Paris, aurait dû tourner en France et à l'étranger, mais l'arrivée du virus a bloqué le développement du spectacle.
Une collaboration par échange de fichiers
Rone a relancé alors plusieurs projets dont la composition d'une musique de film, qu'il vient d'achever ces dernières semaines. Erwan Castex a en effet fait des études de cinéma à la Sorbonne avant de se lancer avec succès dans la musique électronique. Il a sorti huit albums et autant d'EPs. Rone a composé aussi plusieurs bandes originales dont celle du long métrage "La nuit venue" avec Camélia Jordana qui lui a valu cette année un César.
L'autre projet majeur de ce confinement se concrétise aujourd'hui avec la sortie de "Rone & Friends". L'album réunit une dizaine de chanteuses et chanteurs qui associent leurs timbres aux mélodies synthétiques de Rone. "Pour lutter contre cet isolement imposé, j'avais envie de travailler avec des artistes que j'aime. On a collaboré à distance, par échange de fichiers", explique l'artiste à la RTS.
"J'aime penser la voix comme un instrument"
L'aventure a débuté véritablement grâce à un enregistrement qu'Erwan Castex avait fait de la voix de l'écrivain de science-fiction Alain Damasio. Il ne savait comment utiliser cette maquette qui traînait sur son ordinateur. Ce texte, qui rappelle le fameux tube "Je t'aime moi non plus" de Serge Gainsbourg, est interprété par la chanteuse Mood. "En le réécoutant, je me suis dit qu'il fallait que j'aille au bout de ce morceau."
Un autre ami, le chanteur Caspar Clausen, de l'excellent groupe danois Efterklang, a posé sa voix sur une composition instrumentale de l'album, "Room With a View". Et naturellement, le projet s'est développé. "Je me suis dit qu'il fallait proposer des collaborations à d'autres artistes que j'aime et admire." Yael Naim, Jehnny Beth, Flavien Berger et bien d'autres ont rejoint le cercle avant que Rone ne demande à un de ses chanteurs favoris, Dominique A, de s'y associer.
Un album vocal et plus pop
Ce n'est pas la première fois que Rone s'essaie à la chanson. Ses albums précédents proposent une ou plusieurs compositions sur lesquelles se pose une voix. Dans "Creatures", sorti en 2015, on pouvait entendre notamment les voix de François Marry de François & The Atlas Mountains ou Bachar Mar-Khalifé. "Avec ce nouvel album, j'ai pu véritablement aller au bout de ce fantasme d'album vocal. Me concentrer sur des formats courts, plus pop. Quand je travaille avec une voix, j'ai l'envie d'être à son service, mais en même temps je vise une fusion entre les deux éléments. J'aime bien penser la voix comme un instrument. J'aime quand elle se fond dans la musique."
C'est le cas sur cet album du morceau chanté par Yael Naim, qui tisse de vraies nappes vocales sur l'univers électronique de Rone. "La fusion entre sonorités électroniques et organiques m'intéresse beaucoup. Tout comme le travail sur les structures et les contraintes liées à la chanson. Comment met-on une voix en valeur, comment la faire se dissoudre dans la musique, c'est un travail passionnant."
Michel Masserey/ld
Rone, "Rone & Friends" (InFiné).