Pour la plupart des gens, Grauzone c’est avant tout "Eisbär". Ce morceau, sorti tout d’abord en septembre 1980 sur une compilation de new wave suisse puis en juin 1981 sur EMI Allemagne via le label Welt-Rekord, s’est écoulé jusqu’à aujourd’hui à près d’un million d’exemplaires. Un succès phénoménal pour un ancien groupe punk converti à la cold wave dans les dernières années de sa courte carrière. Mais cette réussite surprise a précipité la fin du trio au printemps 1982. Depuis, Stephan Eicher a développé en solo la carrière que l’on connaît et Grauzone est devenu le groupe culte de la new wave made in Switzerland.
En fait, Grauzone n’aura existé en tout et pour tout qu’à peine un peu plus de deux ans. Au départ, il s’agit d’un trio formé par le batteur Marco Repetto, le guitariste Christian Trüssel et Martin Eicher, le frère de Stephan Eicher. Au retour d’un concert de l’artiste électro anglais Fad Gadget, ils décident d’incorporer des synthétiseurs et des machines dans leur arsenal sonore. Comme les musiciens ne savent pas vraiment comment utiliser cet équipement, ils travaillent essentiellement sur des boucles, tout en incluant des bruitages divers.
Sur scène, le groupe détonne, jouant souvent de longs morceaux instrumentaux dos au public. Au fil des mois, Grauzone se différencie toujours plus de la scène punk-rock en incluant des projections de films Super 8. Ces images sont réalisées par Stephan Eicher, alors étudiant à l’école d’art et de design de Zurich, qui intègre le groupe. Quelques mois plus tard, Grauzone se dissout. Un seul album atteste de l’incroyable inventivité du groupe, enregistré en deux sessions entre juin et août 1981.
Un label genevois pilote la réédition
Quarante ans plus tard, le label genevois We Release Whatever The Fuck We Want ressort cet album plus les singles et maxis que le groupe a pu produire durant son existence, profitant de la date anniversaire. Derrière cette structure, on trouve Olivier Ducret, le fondateur du label électronique Mental Groove, et Stephan Armleder, ancien roi des nuits genevoises et responsable du label Villa Magica créé avec son père, le célèbre artiste contemporain John Armleder.
Stephan Eicher, étant ami avec John Armleder, a demandé à Stephan Armleder de sonder le marché des rééditions musicales pour voir si une société était intéressée à ressortir l’intégrale de Grauzone. Après avoir bien analysé le panorama, il est apparu préférable que leur propre label s’engage dans l’aventure. Résultat, un superbe coffret cartonné avec deux albums vinyles, regroupant l’un toutes les productions de Grauzone, l’autre l’enregistrement pirate d’un concert du groupe, sorti sous le manteau voilà quelques années.
A cela s’ajoutent une affiche de Grauzone, réplique d’un poster de l’époque, ainsi qu’un livret de 80 pages qui commente le parcours du groupe, sous des airs de fanzine.
Tous les exemplaires écoulés en quelques semaines
Ce coffret, au design et à la facture élégants, permet à l’auditeur de découvrir ou redécouvrir l’incroyable radicalité d’un groupe majeur de la scène post-punk. Grauzone reste avec Yello et les Young Gods l’une des rares formations suisses à avoir bénéficié d’une aura internationale.
Tous les exemplaires édités ont été écoulés en quelques semaines, mais une nouvelle édition est d’ores et déjà en route. Le coffret a été classé en vingtième position des ventes pop en Allemagne, quarante ans après sa sortie originale en 1981 où il avait figuré aussi à la vingtième place des ventes.
Michel Masserey/olhor
Réédition Grauzone (We Release Whatever The Fuck We Want).