En feuilletant l’album "Comme tu regardes le ciel étoilé", le regard est d’abord happé par les magnifiques illustrations en noir-blanc de Jeanne Roualet. Un bouquet de fleurs s’élançant d’une cheminée, un chat révolutionnaire coiffé du béret du "Che" ou un monstre mélancolique surplombant une figurine de super-héros: aussi oniriques qu’énigmatiques, ces images accompagnent les textes des chansons qui font apparaître une "constellation de l’amour vrai", de "grosses colères", des "rêves qui n’attendent pas" et des "jolies choses". Portés par la voix de Polar qui s’accompagne de guitares électriques, synthétiseurs et boîtes à rythmes, les dix-sept titres révèlent des climats sonores pop-rock plus proches de Bashung, Neil Young et Joy Division que de stars de la chanson pour enfants.
Un trait d’union entre les générations
En évoquant ses sources d’inspiration, le musicien et chanteur genevois Polar raconte n’avoir jamais baigné dans la musique pour les enfants. "Mes parents m’ont fait écouter Bob Dylan, Neil Young, Frank Sinatra, Elvis Presley et Led Zeppelin. J’ai toujours pensé que l'univers des adultes était aussi celui des enfants". Quand Polar troque sa casquette de musicien contre celle d’Eric Linder, programmateur et directeur du Festival Antigel, il dit être ému à chaque fois qu’il voit arriver des familles qui emmènent leurs enfants à leur premier concert de rock. "Avec Fabrice Melquiot, on avait envie d’explorer la complicité entre les parents et leurs enfants, ainsi que cet espace dans lequel ils partagent et échangent."
Ecrit, composé et enregistré en deux semaines en été 2020 dans une grange du Morvan, "Comme tu regardes le ciel étoilé" est né entre deux vagues covidiennes qui ont bouleversé le monde de la culture. "En nous demandant avec Fabrice quelles étaient les perspectives, on oscillait entre l’espoir, l’envie de faire rêver et de montrer qu’il ne fallait pas oublier de regarder les jolies choses autour de nous. Mais de l’autre côté, on voulait aussi parler de choses très sérieuses telles que la mort ou de notre impuissance comme, par exemple, dans une chanson où une sorte de super-héros qui a perdu la capacité de sauver les gens dit dans le refrain 'ça fait longtemps que j’ai pas sauvé une vie'."
Chat révolutionnaire
Parmi les animaux qui peuplent l’album, on croise de nombreux chats, ceux qu’on n’"aime pas", qu’on pourrait "passer au chalumeau", et ceux qu’on câline, qui sont "libres" et beaux "comme un guérillero". "On trouvait rigolo, explique Polar, d'avoir ce chat qu'on n'aime pas trop, qui agace parce que il ne veut pas venir quand on l’appelle. On a écrit une première chanson gentiment méchante, et on a pensé ensuite qu’il fallait faire une autre chanson où finalement l'enfant se dit: 'ah, j'ai compris, mon chat, il est indépendant, il mène sa vie tout seul, en fait, il est un peu révolutionnaire'. Et du coup, il s'appelle Che Guevacha".
Ce "Fidel Castré" rejoint par d’autres personnages familiers se découvrent au fil des chansons qui surprennent l’oreille, invitant au voyage enfants, parents et toutes celles et tous ceux qui n’aiment pas les chansons pour gosses, leur préférant les chats guérilleros.
Anya Leveillé/mh
"Comme tu regardes le ciel étoilé", La Joie de Lire, 2020. Texte Fabrice Melquiot, musique et chant, Eric Linder (Polar), illustrations Jeanne Roualet.