Des artistes qui n'ont pas pu travailler à cause de la crise sanitaire, il y en a dans le monde entier. Mais au Royaume-Uni, ils subissent la double peine depuis le 1er janvier 2021 suite à un Brexit mal négocié. Depuis, les démarches administratives sont devenues très compliquées pour les artistes qui veulent tourner plus de trente jours en Europe.
Au cœur du problème, il y a la liberté de circuler. Il est difficile de savoir exactement ce qui s'est dit durant ces négociations, mais la thèse la plus souvent évoquée est la suivante: Bruxelles aurait proposé que les artistes britanniques soient exemptés de mesures administratives en cas de séjour de moins de 90 jours dans l'Union européenne. Mais il aurait fallu que Londres accorde la même exemption aux artistes européens jouant au Royaume-Uni. Le principe de réciprocité. Londres aurait refusé, et donc fin de la discussion.
"Notre métier est de faire du bruit, on ne va pas se taire", a ainsi déclaré le chanteur des Charlatans, qui fait partie des artistes qui demandent des détails sur la façon dont les négociations se sont déroulées.
Une relève musicale menacée
Les artistes britanniques doivent désormais se plier aux exigences de chacun des pays européens. Un dossier différent, une procédure différente pour chaque pays. Parfois il faut un visa, parfois non. Dans certains cas, un permis de travail est demandé. Sans compter les démarches douanières concernant le matériel technique, les instruments.
Des procédures administratives qui, en plus d'être compliquées, ont un coût difficile à assumer pour de petits groupes avec des petits moyens. C'est donc le renouveau de la scène musicale britannique qui est menacé.
Il y a quelques semaines, Elton John a exhorté son gouvernement à trouver une solution pour faciliter les tournées des artistes britanniques dans l'Union européenne. Il a également rencontré le ministre du Brexit, David Frost, pour en discuter. Car si rien n'est fait, le risque est de perdre des "générations de futurs talents", estime la vedette de 74 ans. "Cela va affecter leur carrière et porter préjudice à leur créativité et à leur progression", a-t-il déclaré auprès d'une télévision néo-zélandaise.
Ainsi les nouveaux artistes "ne pourront pas faire librement de tournée en Europe", "en raison des coûts prohibitifs des visas" et autres documents requis, a dénoncé sur Instagram Elton John.
Demande d'aides auprès du gouvernement
"De nombreux groupes qui vivent au jour le jour vont se rendre compte qu'il n'est plus viable de créer de la musique, de l'enregistrer et de la publier si on n'a pas la possibilité de la jouer sur scène", explique de son côté Dave Rowntree, batteur de Blur mais aussi responsable politique affilié au Labour, donc forcément opposé à la majorité de Boris Johnson.
Du côté de l'association faîtière des salles de concerts britanniques, on estime qu'une tournée européenne rentable doit forcément se dérouler sur une dizaine de dates avec chaque soir, un minimum de 800 spectateurs payants.
Aujourd'hui, les artistes britanniques demandent donc de l'aide à Boris Johnson. "Je voudrais que le gouvernement aide les artistes pour les formalités administratives et douanières. Et il faut le faire maintenant puisque notre travail est basé sur l'anticipation. Pour organiser une tournée, on compte neuf mois de travail", indiquait récemment Colin Greenwood, bassiste de Radiohead, interviewé par Sky News.
#BorisKilledMusic et #LetTheMusicMove
Pour commenter et suivre l'évolution de cette crise inédite et préoccupante, deux hashtags sont utilisés sur les réseaux sociaux: le radical #BorisKilledMusic et le plus diplomatique #LetTheMusicMove, un slogan sous lequel se sont réunis de nombreux artistes britanniques pour faire pression sur leur gouvernement, tels que Portishead, Annie Lennox, Rick Astley, Skunk Anansie, Jack Savoretti, Maximo Park ou encore New Order.
Sujet radio: Yann Zitouni
Adaptation web: aq