Woodkid inaugure tout en intensité un Montreux Jazz Festival particulier

Une voix off qui vous souhaite la bienvenue alors que l'équipage du Montreux Jazz Festival vous donne quelques ultimes indications avant l'abordage. Bienvenue à bord de la 55e édition de la manifestation vaudoise avec vue sur le Léman face à la nouvelle Scène du lac, et un Mathieu Jaton, capitaine de cette croisière musicale particulière, qui ne cache pas son émotion. Un petit exploit en temps de pandémie pour un événement qui rassemble généralement loin à la ronde mais se satisfait cette année de son ancrage européen, avec jauge limitée à 520 personnes.

Désormais habitué du Montreux Jazz où il s'est produit à quatre reprises ces dix dernières années, Woodkid a également accepté d'ajouter un concert ce vendredi soir pour pallier une annulation de dernière minute du groupe rock irlandais Inhaler. Bon prince, il s'est donc retrouvé à inaugurer le festival, les semelles à fleur d'eau.

Dans la foulée de la formation zurichoise de surf rock Annie Taylor, le chanteur-producteur français a enfin pu lâcher sur le coup de 22h30 la bride aux chansons de son dernier album "S16", dont la sortie a, comme son retour en scène, longtemps été différée. Woodkid passe alors devant le public à la suite de ses huit musiciens avant d'activer, sous des rais stroboscopiques et en surplomb de sa bande, une succession de compositions amples au tempo ralenti ou accéléré, traversées de sonorités industrielles.

Minimalisme et élans symphoniques

Explosion visuelles de roches volcaniques sur l'écran en fond de scène pour un "Iron" où il s'impose en gladiateur post-moderne, prêt "à la bataille" entre cordes, piano, instruments à vent, percussions et dispositif électronique. Le public acclame, réclame du sang musical, des larmes et autant d'émotions que le chanteur en confesse pour cette adrénaline live retrouvée.

La suite se décline moins frontale, parfois étale même ("Brooklyn", "I Love You" ou "So Handsome Hello"), sur la structure plantée à proximité du rivage lacustre, alors que quelques embarcations éclairées passent au large. Un décor qui sied bien toutefois à ses compositions comme en suspension, hésitantes, par moments, mêlant onirisme et rugosité, minimalisme et élans symphoniques..

Si les nouveaux morceaux de Yoann Lemoine de son vrai nom n'ont pas les évidences mélodiques de ses premiers succès voilà huit ans, ses mises à nu inédites touchent quand elles ne versent pas dans des effusions lacrymales. Mais Woodkid rectifie rapidement le tir avec "The Golden Age" à la mélancolie insidieuse dont l'introduction évoque l'Américaine Lana Del Rey pour qui il a réalisé des clips, avant de virer en morceau hédoniste.

La fièvre subite du dancefloor se poursuit sur "Highway 27", avec un Woodkid qui fait un tour en sautillant dans les gradins et fait oublier momentanément les moments de communion et de retrouvailles plus intimistes ("In Your Likeness") avec un festival. Mais avec en guise d'épilogue toute l'intense emphase de "Run Boy Run", le 55e Montreux Jazz est bien sur orbite pour tenir son cap durant deux semaines.

Olivier Horner

Deux concerts supplémentaires de Woodkid sont prévus au Montreux Jazz Festival, le sa 3 juillet à 18h et 21h30.