Kush K développe une identité musicale qui échappe aux classifications. Peut-on parler de pop, de folk, de jazz? Une chose est certaine, chacun des membres de ce quintette zurichois dispose d’un solide bagage musical acquis dans des écoles de jazz.
Mais loin de se conformer à une écriture sèche voire abstraite, Kush K a su garder du jazz un esprit d’exploration. Cela s’entend dans les compositions musicales très libres et dans le dialogue dynamique qui s’établit entre la voix profonde et habitée de Catia Lanfranchi et les explorations sonores des différents musiciens du groupe.
Duo au départ, la formation s’est progressivement étoffée, pour compter aujourd’hui cinq membres, qui chacun apporte son univers musical distinct. Logiquement, le mélange musical proposé est très coloré, très divers. Le résultat sonne très naturel, comme le fruit de l’improvisation.
Cette technique héritée du jazz est au centre de la démarche du groupe. Catia Lanfranchi, chanteuse de Kush K, estime qu'"improviser, c’est être capable de traduire en musique les émotions de la journée. Tu vis vraiment l’instant présent quand tu improvises. La notion d’intimité est capitale pour nous. L’improvisation permet d’être très intime entre nous mais aussi avec le public. Cela ouvre des espaces, cela permet d’être libre".
Une pop aux effets hypnotiques
Cette liberté de ton irradie le premier album de Kush K, intitulé "Lotophagi". Ce nom fait référence aux Lotophages, un peuple imaginaire sorti de "L’Odyssée" d’Homère, qui se nourrissait exclusivement de lotus aux vertus psychotropes. La musique du groupe a elle aussi un effet hypnotique, liée aux influences psychédéliques évidentes. Plusieurs textes du groupe font d’ailleurs référence à l’ivresse, à la narcose, voire à l’extase.
"Pas question pour autant d’échapper à la réalité. Nous préférons faire face. Notre musique est authentique, elle est nue, elle donne à voir sa fragilité, ses failles. Quand on joue, on prend tous les risques, on se montre vraiment tel que l’on est. En cela, on est différents de beaucoup de groupes qui jouent volontiers des rôles, qui proposent un show", explique encore à la RTS Catia Lanfranchi.
Depuis sa sortie en avril 2020, en pleine période de semi-confinement, l’album du groupe a connu un bel écho médiatique et public. Programmé au festival britannique The Great Escape, un des principaux rendez-vous des musiques émergentes, Kush K a dû patienter avant de défendre ses compositions sur scène.
Meilleur album suisse de l'année 2020
L’automne passé, Kush K a toutefois pu se produire lors de l’événement Autumn of Music organisé par le Montreux Jazz Festival. Le groupe y a proposé un set très fluide, où les styles s’interpénètrent avec élégance et douceur. Le nom du groupe en atteste aussi: Kush fait écho au verbe allemand kuscheln, qui signifie faire des câlins, se blottir contre l’autre.
La belle aventure de "Lotophagi" s’est poursuivie avec l’attribution du prix du meilleur album suisse de l’année 2020, décerné en janvier par Indiesuisse, l’association suisse des labels et producteurs indépendants. "Evidemment, c’était un grand honneur pour nous et pour notre label BlauBlau Records avec qui nous sommes amis depuis l’enfance. Nous avons travaillé ensemble et ce prix est un magnifique cadeau. Et bien sûr cela nous dope et nous donne une énergie qui nous entraînera plus loin encore", conclut Catia Lanfranchi.
Michel Masserey/olhor
Kush K en concert au Festival de la Cité, Lausanne, ve 9 juillet à 21h30.
Swear I Love You, nostalgies pop adorées
Un parfum de pop britannique eighties à laquelle on revient toujours avec plaisir. Chez Swear I Love You, quintette de Vevey en goguette mercredi soir au Festival de la Cité de Lausanne sur la scène du Petit Canyon coincée entre le dos du Palais de Rumine et les murs de la vieille-ville, les réminiscences mélodiques ont le mérite d’être aussi claires que maîtrisées.
Bien qu’elles s’offrent volontiers des clins d’œil appuyés aux sixties et seventies électriques et psychédéliques de Pink Floyd ou The Doors, les morceaux très atmosphériques du groupe né sur les cendres de Forks alternent aisément élans d’allégresse, échos tourmentés et langueurs stupéfiantes. Un clair-obscur qui va même jusqu’à évoquer parfois la science des zones grises et grisantes des Cure, jusque dans la tonalité vocale.
Autant de références qui pourraient plomber le répertoire de Swear I Love You, mais sont ici assumées, bien digérées et distillées sans tomber dans le maniérisme et le plagiat indigestes.
A la fois opaques, compactes, noires et colorées, les premières compositions gorgées de claviers du groupe emmené par le guitariste Mehdi Benkler et le chanteur Pacifique Vuillemin séduisent finalement davantage sur scène que sur disque, grâce à un surplus d’aspérités sonores et un supplément d’âme rock. Encore une belle révélation confirmée en cinquante minutes au festival de la Cité. Olivier Horner