Les trois Viennois: Haydn, Mozart, Beethoven. [DP]
Publié Modifié

Révisez vos classiques! La trilogie classique viennoise

>> Pour tous les mélomanes qui s'ignorent et pour celles et ceux qui veulent réviser leurs classiques, Catherine Buser, spécialiste musique classique à la RTS, a décidé de partager les œuvres qui lui ont donné envie de faire son métier.

>> En cinq parties, elle vous propose d'entrer dans l'histoire de la musique dite classique à travers ses plus grands compositeurs. Pour ce deuxième épisode, la période classique qui s'étend du milieu du 18e siècle au début du 19e siècle. : Révisez vos classiques! Les baroqueux

>> A lire également, le premier épisode de cette série : Le XVIIIe, époque bénie pour les compositrices d'opéra

Vienne, centre du monde classique

Les trois maîtres

Quand on parle de musique classique, on pense généralement à la musique savante, par opposition à la variété ou à la pop musique. Mais en réalité, la "période classique" désigne les décennies qui relient les périodes baroque et romantique, soit de la mort de Jean-Sébastien Bach en 1750 à environ 1820.

Vienne est alors l’épicentre de cette période fleurie puisqu’elle accueille en ses murs les trois grands maîtres du classicisme que sont Haydn, Mozart et Beethoven.

Joseph Haydn

1732-1809

Le nom de Haydn est peut-être un peu moins connu que celui de ses deux contemporains. Et pourtant au 18e siècle, il est le musicien le plus admiré de son temps. Ses symphonies sont jouées partout. Il a dû beaucoup travailler pour surmonter tous les obstacles qui se sont présentés à lui. Mais comme le dit si bien Stendhal, Haydn songeait plus à se faire plaisir en faisant de la musique qu’à se donner un moyen d’acquérir un rang parmi les hommes.

Le plaisir est sans doute le maître mot de sa musique. En témoigne l'andante de l’une de ses symphonies les plus célèbres. Un mouvement qui a fait le tour du monde en raison de son joyeux tictac et qui a valu à cette symphonie n°101 son surnom de "l’horloge".

Le côté pittoresque de cette page tend à faire oublier la subtilité de sa construction, la puissance de son écriture et la finesse de son orchestration.

Haydn incarne le classicisme viennois dans toute sa splendeur. Sa carrière couvre toute la période de la fin du baroque aux débuts du romantisme. Il est à la fois le pont et le moteur qui ont permis cette évolution de s’accomplir, peut-on lire sous la plume du musicologue Marc Vignal. Son catalogue ne compte pas moins de 1'100 opus recensés et l'on dit volontiers qu’il est le père de la symphonie et du quatuor à cordes.

Lorsqu’il s’agit de choisir un tube dans l’œuvre de Haydn, on a l'embarras du choix. Par exemple ce final du premier concerto pour violoncelle et orchestre, une page extraordinaire à l’allure de mouvement perpétuel, un véritable feu d’artifice sonore.

Haydn s’est beaucoup préoccupé du sort des musiciens et s’est volontiers fait le porte-parole des artistes auprès de la famille princière. C’est à Mozart que l’on doit le surnom de Papa Haydn en référence à la gentillesse et à la bienveillance notoire de son vénérable ainé.

Wolfgang Amadeus Mozart

1756-1791

Haydn et Mozart étaient amis. Les deux génies s’apprécient, s’admirent et ne manquent jamais de faire leur éloge réciproque. A la fin d’un concert donné par Mozart, Haydn s’était approché de Leopold, père du compositeur et lui avait prédit: "Je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom, il a du goût, et en outre la plus grande science de la composition."

Quant à Mozart, il considère son cher Papa Haydn comme un véritable père spirituel. "Lui seul a le secret de me faire rire et de me toucher au plus profond de mon âme", disait-il à son propos.

Le surdoué

Mozart est, avec Haydn, le compositeur emblématique du classicisme par excellence. Enfant prodige, il laisse un nombre incalculable de chefs-d'œuvre.

Si Haydn a eu besoin de temps pour s’affirmer et pour mûrir son œuvre, Mozart est un surdoué et remporte très jeune ses premiers succès. Sa créativité prodigieuse et sa mort prématurée ont littéralement fasciné le grand public et fait naître bien des mythes autour de sa personne.

Le film de Milos Forman "Amadeus" en est un parfait exemple. On y découvre le portrait d’un compositeur frivole, capricieux, qui avait pour grand rival le compositeur italien Salieri. Certes Mozart s’était fait beaucoup d’ennemis au sein de la noblesse ou en raison de ses dettes, mais Salieri n’était pas l’un d’eux. Le compositeur italien était juste un peu jaloux de son talent. Et il y a de quoi: c’est à Salieri que l’Empereur avait passé commande de l’opéra "Cosi fan Tutte". Or Salieri s’est révélé incapable de mener à bien le projet. Mozart prend donc le relais et compose l’œuvre qu’on connait. Evidemment se faire doubler ainsi par un jeune maître peut déplaire. Mais cela n’a pas empêché Salieri d’assister à l’enterrement de Mozart.

>> A lire également, notre grand-format web : "Amadeus" de Milos Forman, le film aux quarante récompenses

La légende

Dans sa musique, Mozart s’inspire souvent de sa vie privée et dans le film de Milos Forman, on le comprend aisément notamment au moment où on voit Amadeus imaginer l’air célèbre de la Reine de la nuit en voyant sa belle-mère se mettre en colère contre lui…

"Amadeus" a amené beaucoup de spectateurs à la musique de Mozart, mais la véracité des faits exposés est à considérer avec prudence. Dans ce film, il y a une scène, très réussie par ailleurs, où on voit Mozart malade et à bout de force en train de dicter des notes depuis son lit. Les dernières mesures de son requiem à son ennemi juré.

Mais si Mozart était alité à la fin de sa vie, ce n’est pas pour cause d’épuisement. Il était contraint de garder le lit parce qu’il était devenu obèse. Déjà qu’il n’était pas bien grand, il mesurait 1m52, il lui était devenu difficile de se lever. Parmi les 140 causes de sa mort établies par des spécialistes, les plus plausibles seraient un décès lié à une fièvre rhumatismale ou une insuffisance rénale. Voilà qui est beaucoup moins romanesque que la mort par empoisonnement, longtemps avancée au fil des siècles.

Mort à 35 ans, Mozart reste l’un des plus grands génies de la musique classique. Il nous laisse des chefs d’œuvre dans tous les genres, explorant autant la virtuosité que les émotions humaines.

Ludwig van Beethoven

1770-1827

La musique de Mozart a exercé une profonde influence sur le troisième grand maître du classicisme, Beethoven. On dit que les deux hommes se sont rencontrés à Vienne en 1787, mais il n’y a aucune preuve de cette rencontre. Beethoven avait beaucoup d’estime pour son aîné et a composé plusieurs séries de variations sur les thèmes de Mozart.

Durant toute sa jeunesse, Beethoven a eu l’occasion de découvrir et d’étudier les œuvres de Mozart. Il jouait même ses concertos avec l’orchestre de la cour de Bonn. Mozart avait dit une fois à son père qu’il était imprégné de musique. De la même façon, on peut dire que Beethoven était imprégné de Mozart.

Le génie

Quelques œuvres de Beethoven portent les traces de son influence. Par exemple, on sait que Beethoven avait copié un passage de la symphonie n°40 de Mozart dans un de ses carnets d’esquisses et qu'il s’en est servi pour composer sa 5e symphonie. Mais Beethoven a très vite développé sa propre personnalité et son génie transparaît dans tout ce qu’il écrit.

Beethoven considérait la sonate n°23 en fa mineur comme sa plus grande réussite avec les cinq dernières. Elle est en tout cas celle qui colle le mieux avec le portrait que l’on se fait habituellement de Beethoven. Elle est "comme un torrent de feu dans un lit de granit" pour reprendre l’expression de l'écrivain Romain Rolland.

Pour comprendre le propos de cette sonate, Beethoven invitait les pianistes à relire "La Tempête" de Shakespeare. Histoire d’y retrouver le déchaînement des forces élémentaires, les passions, les folies des hommes et des éléments.

Les symphonies

Si le piano est le domaine de prédilection de Beethoven, son œuvre symphonique est sans doute le plus populaire et son succès ne se dément pas depuis des siècles.

Un monde sépare la première symphonie, dernier hommage au 18e siècle, de la 9e achevée après une longue gestation. Au fil des symphonies, l’orchestre s’enrichit, le langage s’étoffe, les formes explosent tandis que les couleurs orchestrales se multiplient.

Des trois compositeurs viennois, Beethoven est sans conteste celui qui laisse l’héritage le plus audacieux et le plus universel. A l’image de cette 9e symphonie dont le chœur final est aujourd’hui utilisé comme l'hymne de l'Union européenne.

Un artiste torturé

Beethoven incarne la figure de l’artiste incompris à cheval entre le classicisme de Haydn et de Mozart et le romantisme du siècle à venir. Sourd, torturé, il offre l’image type du génie solitaire et colérique.

L’auteur de la célèbre neuvième est certes caractériel, mais il convient d’élargir le portrait par son côté humaniste, romantique, combatif et romanesque. Capable de colère légendaire, il sait aussi faire preuve de légèreté, d’humour et d’altruisme. Il compose aussi bien pour le divertissement des nobles que pour des œuvres de charité, mais aussi pour les générations à venir.

Comme Mozart, Beethoven était plutôt petit de taille et semble-t-il pas très beau. Notamment si l’on en croit les écrits de Bettina Brentano. Voici ce qu’elle en dit: "Beethoven est petit, brun, marqué de petite vérole, […] des cheveux noirs, très longs, qu’il rejette en arrière […] ses vêtements sont déchirés, il a l’air complètement déguenillé". Mais la cantatrice avoue dans le même temps être littéralement hypnotisée par le compositeur.

>> A lire également : Ludwig van Beethoven, un destin hors du commun

Le final de son concerto pour violon et orchestre opus 61 est une œuvre écrite sous le coup d’une passion amoureuse pour la belle Thérèse de Brunswick. D’une joie extravertie, il séduit particulièrement par sa verve et son humour… et nous permet de clôturer cette seconde partie.