"Oasis ou la revanche des ploucs", quand la politique inspirait la britpop

Les frères Liam et Noel Gallagher viennent de la classe ouvrière anglaise pauvre et déshéritée de Manchester. Tant avec leur groupe Oasis qu'avec leurs frasques, ils ont conquis la planète durant les années 1990 avec une poignée de tubes comme "Wonderwall", "Supersonic", "Whatever" ou "Don’t Look Back In Anger". Un succès qui s'est aussi ancré dans la réalité politique et sociale de l'Angleterre, comme le démontre "Oasis ou la revanche des ploucs", l'ouvrage cosigné par Benjamin Durand et Nico Prat.

Leur livre effectue un parallèle judicieux entre l'histoire romanesque des emblématiques Oasis et la période politique anglaise courant de Margaret Thatcher à Tony Blair. Il retrace ainsi à la fois l’histoire de deux frères écorchés plus ou moins délinquants qui ont marqué l'histoire de la britpop et celle de la transition d’une politique anglaise conservatrice dure, celle de Margaret Thatcher dans les années 1980, à celle du travailliste Tony Blair dans les années 1990.

"C’est en effet dans ce contexte que de nombreux groupes issus de Grande-Bretagne, en particulier Blur, Suede et Pulp, s’illustrent via une musique pop qui porte un regard sociologique souvent drôle et pertinent sur cette Angleterre paradoxale, qui cherche à concilier son attachement à ses traditions et son attirance pour une culture mondialisée", indiquent Benjamin Durand et Nico Prat.

L'histoire d'une revanche socio-culturelle

Ce parallèle entre musique et politique anglaise aide à saisir comment la classe ouvrière, en l'occurrence celle de Manchester, a su sortir son épingle du jeu grâce à la création musicale et malgré la pauvreté et le chômage ambiants. Le "plouc" du titre du livre s'entendant donc dans le sens prolétaires-paumés, en opposition avec la classe bourgeoise anglaise. Entrelaçant l’histoire du groupe et celle de la politique anglaise, "Oasis ou la revanche des ploucs" revient sur un moment où les espoirs d’un pays se sont cristallisés autour de la musique.

L'histoire d'Oasis constitue en quelque sorte une revanche socio-culturelle, un conte pouvant faire fantasmer plus d’un adolescent se rêvant rock star. Le livre explique justement cette success story qui a conduit les frères Gallagher à vendre près de 60 millions de disques dans le monde en vingt-cinq ans. "Alan Mc Gee (ndlr: le manager du groupe) et les membres d’Oasis s’inscrivent dans la même démarche: tous sont prolétaires sans aucune option de vie que le rock’n’roll. Leur passion les mènera au succès et à la richesse ainsi qu’à la diffusion de leur culture à travers le monde", relèvent notamment Benjamin Durand et Nico Prat.

Oasis est une réponse directe au thatchérisme

Et le journaliste Nico Prat d'expliquer que c’est Noël Gallagher, l'aîné, qui prend les choses en main pour se sortir de la galère car "Liam n'avait aucune vision sur le long terme (...) car pour le pire comme pour le meilleur, c'est juste une rock star".

Reste que les frères Gallagher ont donc fait exploser la britpop à travers le monde, réponse anglaise au mouvement grunge, et ont été des leaders et icônes jusqu’à la fin. Tout cela dans un contexte politique transitoire très particulier. Pour Benjamin Durand, documentaliste et coauteur du livre, Oasis est une réponse directe au thatchérisme (1979-1990): "issus de la classe ouvrière anglaise déshéritée de Manchester, marquée par la délinquance et le chômage, les membres du groupe auront symbolisé le passage de l'inconsidération à la starification pour une jeunesse abandonnée par le thatchérisme, faisant d’Oasis une aventure tout autant musicale que sociale et politique".

Sujet radio: Witold Langlois

Adaptation web: Olivier Horner

Benjamin Durand et Nico Prat, "Oasis ou la revanche des ploucs", éditions Playlist Society, mai 2021.