"Donda" martelé une bonne centaine de fois en guise de beat d'ouverture par Syleena Johnson. Kanye West est bien de retour et craint d'emblée qu'on oublie le nom de son dixième album studio, qui est celui de sa mère décédée en 2007... Peu de risques toutefois au vu des 27 nouveaux titres aussi réussis que mégalomaniaques et controversés publiés officiellement dimanche, après des semaines de retard et plusieurs séances d'écoute dans des stades bondés aux Etats-Unis qui auraient permis de faire évoluer les morceaux.
Après "Ye" et "Jesus is King", le rappeur américain marque à nouveau les esprits, en s'entourant cette fois deux heures durant d'une pléiade d'invités renommés. De Jay-Z à The Weeknd via Travis Scott, Ariana Grande ou Lil Baby et des personnalités plus polémiques, à l'image du chanteur américain Marylin Manson, accusé de viol, du rappeur DaBaby, qui avait provoqué cet été une controverse avec des propos homophobes et sexistes, et de Chris Brown, condamné en 2009 pour coups et blessures sur la chanteuse Rihanna qui signe les paroles et la musique de "New Again". Dans sa grande bonté, Kanye West offre aussi à quelques nouveaux talents un enviable strapontin, du défunt rappeur américain Pop Smoke à la Jamaïcaine Shenseea.
Thèmes religieux et séparation d'avec Kim Kardashian
Le nouveau répertoire musicalement flamboyant et égomaniaque de Kanye West aborde encore des thèmes religieux ("God Braithed", "Praise God" ou "Jesus Lord"), évoquant la sainte conversion du rappeur à Dieu, et fait aussi de nombreuses fois référence à sa généalogie familiale ainsi qu'à sa séparation ultra médiatisée avec Kim Kardashian avec laquelle il est en instance de divorce.
Au coeur de ces morceaux denses et très variés dopés par une armada de producteurs, Kanye West interroge par ailleurs souvent ses propres contradictions existentielles et spirituelles, tiraillé entre génie absolu et idiot du village, pêcheur et messie. Autant de zones d'ombres parfaitement scandées, mêmes quand elles sont vocodées à l'excès, qui réhaussent les rythmiques au contraire parfois trop tapageuses pour pleinement séduire.
"Je vais être honnête, nous sommes tous des menteurs".
Si la chanson-titre s'avère des plus démagogiques, avec ses remerciements aux fans pour leur soutien à son exceptionnelle personnalité depuis de nombreuses années, Kanye West s'avère lexicalement bien plus inspiré ailleurs. Comme entre autres dans l'impressionnant "Jail" où, au côté de Jay-Z, il joue sur un fil équilibriste au repentant échappé de prison et sauvé par Jésus et Moïse, mais confessant au passage "je vais être honnête, nous sommes tous des menteurs".
L'artiste de 44 ans, qui a aussi entamé une procédure pour changer officiellement son nom en "Ye" - son surnom- et envisage de se représenter à la prochaine élection présidentielle américaine de 2024, montre ici de belles dispositions inventives au-delà de ses bondieuseries obsessives.
Olivier Horner avec afp