Stéphanie Gulizia sait ce qu’elle veut. Cette volonté farouche se lit dans son regard perçant et son style doucement provocateur. Elle a beau s’appeler Silance - avec un "a" plutôt qu’un "e" afin de marquer sa volonté de se lancer, de prendre des risques -, Stéphanie Gulizia affectionne le verbe qui claque, le mot qui dégoupille les clichés et les idées toutes faites.
En une demi-douzaine de titres sortis depuis l'an dernier, elle a imposé un style, une écriture directe héritée du rap old school. Autodidacte, elle manie le verbe depuis son adolescence et commence à écrire des poèmes afin d’exorciser ses maux. En 2018, elle occupe sa première scène lors d’une soirée scène ouverte à la Cave du Bleu Lézard, à Lausanne. La même année, elle participe à une battle organisée par le festival Les Créatives, à Genève. Elle y affronte d’autres femmes passionnées de rimes et remporte la finale. Le chemin est dès lors tracé et c’est sur les réseaux qu’elle partage ses premières vidéos.
Sur les bancs de la Gustav Academy
Depuis, les choses se sont accélérées. Stéphanie Gulizia, devenue Silance, est sélectionnée par la Gustav Academy, qui a révélé des talents comme Gjon’s Tears ou Crème Solaire. "J’ai fait l’édition 2020, mais avec l’arrivée de la pandémie l’aventure s'est prolongée cette année. Cette expérience a vraiment élargi mon ouverture musicale", explique l'artiste vaudoise.
Parallèlement, le label Two Gentlemen (Young Gods, Sophie Hunger ou Puts Marie) l’a prise sous son aile et l’a associée avec Yvan Peacemaker. Acolyte de Stress dans le duo rap Double Pact, il est devenu depuis producteur à succès pour le rappeur suisse mais aussi pour des figures du hip-hop en France, telles que Joey Starr, Diam's ou Booba. "Je compose déjà mes musiques et j’y tiens. Mais il me fallait un producteur pour m’accompagner dans ma démarche artistique. Travailler avec lui, c’est l’équilibre parfait, car on se retrouve sur une passion pour le rap conscient".
"Le rap est devenu aujourd’hui la nouvelle pop"
L’idée pour eux n’est pas de coller au son du moment, soit plus urbain, soit expérimental. L’univers de Silance surfe entre rap et chanson. L’artiste ne réfute pas une orientation plus variété. "Le rap est devenu aujourd'hui la nouvelle pop. Du fait de mon flow aiguisé, on peut me ranger dans la catégorie des rappeuses, mais je ne suis pas certaine de correspondre à cette école-là", estime-t-elle.
Ce qui frappe dans les textes de Silance, c’est leur dimension de mise à nu, l’intimité qui se crée entre l’artiste et l’auditrice ou auditeur. A l’avenir, elle entend élargir les thématiques pour aborder des sujets de société sans pour autant s’en extraire: "je le fais si je me sens concernée. C’est ma ligne de conduite".
Silance publie ces jours un nouvel EP intitulé "Créature" réunissant trois morceaux, dont "Besoin de personne" nourri par les longs mois de semi-confinement. Personnage solitaire, Silance a trouvé paradoxalement un total confort durant cette période d’isolement. "Si l’on creuse vraiment, dans le dernier couplet de la chanson, on remarque que je suis tourmentée, tiraillée entre l’envie de m’ouvrir au monde et le besoin de rester avec moi-même. Chacun peut l’interpréter à sa manière".
Les prochaines semaines seront placées sous le signe du partage pour Silance avec une série de concerts avec l’équipe de la Gustav Academy jusqu’à la fin octobre dans différents festivals en Suisse. A cela s’ajoutent des dates en solo à la mi-septembre à la RTS, à Lausanne, et à l’Amalgame d'Yverdon.
Michel Masserey/olhor
Silance, "Créature" (Two Gentlemen).
En concert avec la Gustav Academy jusqu'à fin octobre. Silance en solo, Studio 15, RTS Lausanne, le 16 septembre et Amalgame, Yverdon, le 17 septembre.