Un charisme unique qui aura marqué toute une génération de chanteurs et chanteuses, mais aussi de chefs et cheffes de choeur et d'orchestre. C'est ce qui caractérisait le musicien fribourgeois Michel Corboz décédé à l'âge de 87 ans.
Sa personnalité haute en couleur aura fait vibrer des dizaines de milliers de mélomanes, en Suisse où il a notamment fondé l'Ensemble vocal de Lausanne qu'il a dirigé pendant près de 50 ans, mais également à l'étranger.
>> Souvent invité dans les émissions de télévision et à la radio, Michel Corboz y a livré un peu de son âme musicienne (des archives à consulter en cliquant sur l'image) : Michel Corboz, l'âme musicienne
Né en Gruyère
Michel Corboz est né en Gruyère dans une famille de chanteurs. Très tôt, il est touché par la musique baroque et la voix. A l'âge de 10 ans, le dimanche venu, il écoutait la cantate de Bach diffusée à la radio, comme il le confiait il y a quelques mois au micro d'"Initiales" sur Espace 2: "J'écoutais ça comme un feuilleton".
Il se forme ensuite au Conservatoire de Fribourg où il étudie le chant et la composition. Très vite, à seulement 27 ans, il est attiré par la direction. Il fonde alors l'Ensemble vocal de Lausanne et l'Ensemble instrumental de Lausanne au début des années 1960. Pour des milliers de mélomanes romands et bientôt du reste de la Suisse et de l'étranger, c'est une découverte. Le chef de choeur donne à entendre la musique de Jean-Sébastien Bach comme nul autre. Avec Michel Corboz, la musique baroque devient sensuelle, légère...
Toujours dans les années 1960, le Fribourgeois fait la connaissance du directeur artistique de la firme de disque Erato. Cette rencontre sera décisive pour la suite de sa carrière au plan international. C'est avec ce label français qu'il enregistre en effet ses plus grands succès: la musique de Claudio Monteverdi, de Bach, et en particulier la "Messe en si" qu'il enregistre plusieurs fois, mais aussi des musiciens postérieurs à l'époque baroque comme Joseph Haydn, Franz Schubert ou Johannes Brahms.
A Lisbonne, Lausanne et Genève
En 1969, il devient chef titulaire du Choeur Gulbenkian à Lisbonne avec lequel il explore en particulier le répertoire symphonique. Sa passion l'a fait voyager aux quatre coins du monde, de l'Europe et de la Suisse.
Il réalise de nombreux disques avec l'Ensemble vocal de Lausanne et le Choeur Gulbenkian. Parmi plus d'une centaine d'enregistrements salués par la critique, en grande partie sous le label Erato, figurent la "Messe en si" et les "Passions" de Bach, les "Requiem" de Mozart, Brahms, Verdi ou Fauré, la "Messa di Gloria" de Puccini ainsi que des oeuvres de Frank Martin et Arthur Honegger.
Egalement compositeur et professeur de musique, il a enseigné la direction chorale au Conservatoire de Genève durant près de 28 ans.
Un rapport instinctif à la musique
Son rapport à la musique venait des tripes, il était instinctif, comme le rappelait Jean-Pierre Amann, ancien producteur de l'émission "Chant libre" sur Espace 2 et proche de Michel Corboz. Pour lui, il n'était pas un théoricien de la partition.
D'une grande exigence, Michel Corboz était aussi un grand charmeur. A l'Ensemble vocal de Lausanne qu'il a dirigé durant un demi-siècle, aux chanteurs et chanteuses, il savait transmettre l'envie de se dépasser et de donner le meilleur de soi.
Ce sculpteur de voix
C’était un "sculpteur de voix", dit de lui Alexandre Barrelet, chef adjoint de l’Unité Culture de la RTS. "Pour l’avoir vu travailler de nombreuses fois avec son Ensemble vocal de Lausanne, il était d’une extrême exigence. Il demandait des nuances infinitésimales, une fusion des voix afin que le chœur sonne comme un seul instrument. J’ai vu des chanteurs parfois épuisés ou décontenancés par ce qu’il leur demandait. Mais le résultat est là, les enregistrements resteront, il y a des moments de pur miracle, de perfection sonore inégalée dans les interprétations de Michel Corboz."
Pour Corboz, l’exigence, la souffrance et le plaisir sont étroitement liés. "Pour qu’il y ait un grand plaisir, il faut qu’il y ait une certaine volonté, un certain effort et même peut-être une certaine souffrance" disait-il en 1982 au journaliste Jean Dumur.
Passer sur l'autre rive
En juin dernier, le musicien à l'immense discographie a donné son ultime concert à Genève, une messe d'adieu à la cathédrale Saint-Pierre qu'il a offerte dans le cadre du Festival Haydn-Mozart.
"J’ai eu beaucoup de chance à vivre comme j’ai pu vivre. Alors ça m’aide aussi à l’idée de mourir, d’avoir pu vivre tout ça. Il existe un moment où il faut passer à l’autre rive. J’aimerais que ce passage se fasse le plus calmement possible" confiait Michel Corboz en 2005 à l'émission "Racines".
Céline Fontannaz/fgn/mh/ats
Hommage vendredi soir
En hommage à Michel Corboz, la RTS diffusera ce vendredi 3 septembre sur RTS2 à 22h05 dans "Les Documentaires de la RTS": Michel Corboz - Le combat entre le vrai et le beau
Réalisation: Rinaldo Marasco; Jérôme Piguet - Production: CAB Productions et La fine équipe du 45, 2011
Il sera également en replay pendant 7 jours sur le site web: www.rts.ch/playdocs