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Womack Sisters, le dernier cri d’une dynastie de la musique soul

La pochette de l'EP "Darling" des Womack Sisters. [DR]
Womack Sisters, dynastie de la musique soul / L'Echo des Pavanes / 12 min. / le 10 septembre 2021
Troisième génération d’une lignée prestigieuse de la musique afro-américaine, voici les Womack Sisters, petites-filles de Sam Cooke, filles de Womack & Womack et nièces de Bobby Womack. Saga soul en chansons.

Figurez-vous un volcan qui reprendrait son activité. On l’a oublié, il semblait endormi, il gronde à nouveau. Cet éruptif porte un nom célèbre dans le monde de la musique soul: Womack.

Il y a quatre ans, BG, Zeimani et Kucha, les trois sœurs Womack, s’étaient montrées le temps d’une chanson, "Darling". Références aux groupes de filles des sixties, soul-pop à la Tamla Motown, refrain choubidou charmant et coiffures de princesses dans la lignée de la ruche capillaire de feu Amy Winehouse. Une chanson et puis voilà. Plus rien de notable. Le volcan semblait assoupi.

Voici que depuis quelques semaines, les trois soeurettes multiplient les apparitions sur YouTube. Un chant gospel par-ci, la reprise d’un tube r’n’b par-là. Les coiffures hyperboliques n’ont pas diminué, les voix se sont affirmées et la guitare qui les accompagne possède ce son qui fait frémir les oreilles des fans de soul. Les Womack Sisters préparent quelque chose, c’est sûr. Un album? Il serait temps. On ose à peine l’espérer.

The Womack Sisters, gospel en terrasse

Mais qui sont ces trois sœurs à l’histoire familiale aussi complexe qu’une pièce de Tchékhov? BG, Zeimani et Kucha Womack: on pourrait rajouter Cooke à leur patronyme. Avec un "e". Pas comme le capitaine explorateur, mais du nom d’un prince, d’une voix d’or, celle de Sam Cooke, rien de moins que l’inventeur de la soul. Venu du gospel pour se compromettre à jamais dans la musique du diable.

Les Womack Sisters sont les petites-filles du grand Sam. Et donc la troisième génération d’une dynastie de la soul.

Sam Cooke, première idole de la soul

Mais alors ce nom: Womack? C’est celui de leur papa. Cecil Womack. Il débute à la fin des années 1950 avec ses quatre frères, Bobby, Curtis, Harry et Friendly JR. Grand-papa Womack, prénommé lui aussi Friendly, avait un faible pour les chants d’église. Son groupe, The Voices of Love, anime les paroisses autour de Cleveland. Sam Cooke qui chante encore exclusivement l’amour de Dieu au sein des Soul Stirrers aime ces cinq frangins doués de la voix. Mieux, il les soutient, les engage comme musiciens.

Lorsqu’il passe à la musique soul et devient une superstar écoutée des blancs comme des noirs, Sam Cooke pousse les frères Womack à faire de même. Le quintet se rebaptise Valentinos. Les premières chansons font mouche, dont "It’s All Over Now", aussitôt repris et transformé en tube transatlantique par des jeunes blancs anglais nommés les Rolling Stones.

Les Valentinos, inspirateurs des Rolling Stones

Au sein des Valentinos, il y a Bobby. Le plus extraverti, le plus doué aussi. Pas le genre à rester à sa place. Il devient l’amant de Barbara, la femme de son ami Sam Cooke. A la mort de ce dernier, en 1964, assassiné lors d’une sombre histoire de coucherie dans un motel, Bobby apparaît à l’enterrement aux bras de Barbara. Il porte aussi un de ses costards et pilote la voiture du défunt.

Trois mois après, leur mariage fait scandale. Des années plus tard, c’est Linda, la fille de Sam Cooke, qui se retrouve dans le lit de Bobby. La légende raconte que Barbara entame les procédures de divorce avec un revolver. Divorcé, Bobby s’en tire toutefois mieux que son frère Harry, assassiné par sa compagne au terme d’une querelle de couple.

Bobby Womack, alias le prêcheur et le poète

Et Cecil, alors? Le futur papa des Womack Sisters épaule son frère Bobby. Il épouse Mary Wells, première star féminine des disques Tamla Motown, voix magique et suave du tube "My Guy". Quand Mary Wells trompe Cecil avec Curtis, l’un des autres frères Womack, le couple divorce et Cecil se console dans le bras de… Linda Cooke, sa partenaire en écriture de chansons.

Notez à ce stade que ces diverses brouilles et coups fourrés, à rendre zinzin tout thérapeute tentant une démarche de constellation familiale, n’empêchent pas l’intégralité des Cooke-Womack-Wells de jouer et chanter ensemble en studio d’enregistrement. Et c’est ainsi que dans les années 1980 triomphent à leur tour Cecil et Linda sous le nom de Womack & Womack.

Womack & Womack, la soul en famille

Hormis ses prouesses vocales et artistiques, une particularité du duo Womack & Womack est sa progéniture nombreuse et sa propension à se déplacer en famille. Sur les pochettes de leurs disques comme en tournées, sept enfants gambadent au milieu des parents ou entament les chœurs dès qu’ils ou elles arrivent à chanter à hauteur de micro.

Womack & Womack voyagent, beaucoup, des Etats-Unis à l’Afrique en passant par l’Europe et l’Asie. Les Womack-Cooke se rebaptisent Zekkariyas en hommage à leurs ancêtres africains. Cecil décède en 2013 et, depuis, la famille semble s’être relocalisée du côté de Los Angeles. Linda a aujourd’hui 68 ans. Oncle Bobby s’est tu en 2014 après un ultime et extraordinaire album composé avec Damon Albarn des groupes Blur et Gorillaz, "The Bravest Man In The Universe". Curtis Womack est parti en 2017, bien après sa femme Mary Wells emportée par un cancer en 1992. Les anciens ne sont plus.

Et aujourd’hui, la dernière génération de la dynastie Womack hausse le ton. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Surveillez YouTube et autres plateformes, voici BG, Zeimani et Kucha Womack. Elles ont la voix. Il ne leurs manque plus que des compositions à la hauteur.

Thierry Sartoretti/aq

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