Le pressage initial de "Nevermind" avait été prévu à 50'000 exemplaires pour le 24 septembre 1991. Il a rapidement dû être multiplié par dix, avant de s'écouler jusqu'à ce jour à plus de 30 millions d'unités. La chanson "Smells Like Teen Spirit" évoquant le désenchantement de la jeunesse américaine d’alors tourne aussi en boucle sur la chaîne musicale MTV, avec son clip où des pom-pom girls défilent en robes noires siglées du "A" rouge hémoglobine de l’anarchie.
Le morceau qui alterne couplets calmes et refrains hurlés dans la saturation des guitares, pop tordue, agressivité punk et puissance de feu du metal fait le bonheur des radios des collèges et campus aux Etats-Unis, avant d’envahir rapidement les ondes indépendantes ou commerciales du reste du monde. "J'essayais de composer la chanson pop absolue. En fait, je voulais imiter Pixies", dira par la suite le défunt chanteur Kurt Cobain, qui s’est suicidé le 5 avril 1994.
Album rock le plus important des années 1990
Disque devenu culte dont la célèbre pochette avec la photographie d’un bébé dans une piscine alléché par un billet de 1 dollar continue de faire parler d'elle, "Nevermind" est le deuxième de la formation phare du grunge. Album rock le plus important des années 1990, il n’a cessé depuis d’infuser l’histoire des musiques actuelles. Jusqu’à la sphère hip-hop, où des artistes comme Travis Scott, Post Malone ou Kid Cudi en ont revendiqué ces derniers temps l’influence musicale comme lexicale.
Le discours anticonformiste du groupe originaire de Seattle a essaimé tellement loin à la ronde que Dave Grohl, ex-batteur de Nirvana et actuel leader des Foo Fighters, a même désigné Billie Eilish comme une crédible porteuse du flambeau, lors d’une conférence il y a deux ans rapporte l'afp: "Mes filles sont obsédées par Billie Eilish. La connexion qu'elle a avec son public est la même que Nirvana en 1991".
Discours non-conformiste
Les similitudes n’ont ainsi rien à voir avec les guitares rageuses absentes du répertoire de la jeune chanteuse star américaine mais tiendraient au fond, à savoir un propos qui séduirait une audience ne se retrouvant pas dans une société trop calibrée.
Le message non-conformiste et souvent ironique et troublant de Nirvana, asséné au fil de compositions disruptives évoluant entre fracas électriques et lignes mélodiques pop limpides, passe aussi par le récit de l'enlèvement d'une jeune fille ("Polly") ou celui évoquant les années où Kobain dormait dans la rue ("Something In The Way"). Allusion au "Never Mind The Bollocks" (1977) des Sex Pistols et au matérialisme de l'humanité, le "Nevermind" ("ça ne fait rien") toujours électrisant de Nirvana va faire beaucoup pour l'histoire du rock et des générations de musiciens.
Olivier Horner